lundi, 6 août 2012
Rythmes, douleur et conscience chez les invertébrés
Ayant passé récemment, comme certains d’entre vous peut-être, quelques jours de vacances au bord de la mer, je vous propose cette semaine un petit cocktail « fruit de mer » ! Trois questions fondamentales en neurobiologie donc, mais abordées par l’entremise d’invertébrés marins : homard, crabe et aplysie.
Le texte du premier lien ci-bas aborde la question des nombreux rythmes d’activité que l’on observe dans les systèmes nerveux, en particulier ici celui du homard. L’usage de modèles invertébrés en neurobiologie est fréquent, car ces bestioles ont un système nerveux beaucoup plus simple que le nôtre. C’est ainsi qu’on a pu identifier dans le système nerveux somatogastrique du homard un circuit nerveux reliant une trentaine de neurones capable de générer deux rythmes d’activité différents et intrinsèques à ce circuit.
Cela nous rappelle, d’une part, que même chez des organismes relativement simples, le système nerveux n’attend pas passivement les stimuli venant du monde extérieur, mais entretient une activité autonome et constante qui ne sera que modulée par l’environnement. Et, d’autre part, que des phénomènes complexes comme les cycles circadiens ou la locomotion chez l’humain peuvent être mieux compris à la lumière des générateurs de patterns rythmiques plus simples des invertébrés.
Le second lien ci-bas aborde la délicate question de la douleur chez les invertébrés. Pas de doute qu’elle est ressentie par votre chien ou votre chat. Mais l’est-elle par les homards ou les crabes entassés dans les bassins de votre poissonnerie et destinés à être ébouillantés vivants ? Des expériences menées à l’université Queen’s, à Belfast, en Irlande du Nord, tendent à prouver que ces crustacés ressentent effectivement la douleur. Les scientifiques appuient leur hypothèse sur une série d’observation faite sur les homards suite à l’administration de chocs électriques, comme le fait qu’ils tentent de prendre soin de la région soumise aux chocs ou que l’on note une élévation du taux d’hormones de stress dans l’animal.
On a longtemps pensé que parce que les invertébrés n’avaient pas de cortex cérébral (une région du cerveau associée à la douleur chez l’humain), ils ne pouvaient avoir que des réponses réflexes aux stimuli douloureux. Cela semble de toute évidence faire moins consensus qu’avant dans la communauté scientifique.
Finalement, le troisième lien ci-bas pose une question tout à fait reliée à la précédente, mais peut-être encore plus difficile à répondre : les invertébrés, comme les crustacés ou comme le mollusque marin aplysie (dont il est question dans cette conférence), sont-ils conscients ? Bien sûr, il faudrait savoir de quelle « conscience » on parle ici. Sans doute pas une conscience individuelle « réflexive » comme on le dit pour la conscience d’un être humain qui a l’impression que c’est lui-même qui perçoit les choses. Mais d’une forme de conscience primaire, d’un « feeling » de quelque chose qui serait le monde d’une aplysie (ou le monde d’une chauve-souris, pour reprendre le titre d’un article fameux sur le sujet).
L’échange qui suit le résumé de la conférence donnée par Wayne Sossin à l’École d’été sur la conscience 2012 à Montréal en juillet dernier montre bien que la question est loin d’être réglée…
Captivating Rhythm
Lobsters and Crabs Feel Pain, Study Shows
Wayne Sossin and Aplysia: If We Understand the Cellular Mechanisms Underlying Sensation and Learning, What Do We Need Consciousness for?
Au coeur de la mémoire, L'émergence de la conscience | Comments Closed