lundi, 31 mai 2021
Deux scientifiques qui alimentent encore le débat : Giulio Tononi et Francisco Varela
Simple suivi cette semaine à propos de deux billets récemment publiés sur ce blogue. Parce que dans les deux cas, les scientifiques dont il était question continuent de faire parler d’eux dans de nouvelles publications. Dans le cas de Giulio Tononi et de sa controversée théorie de l’information intégrée de la conscience, elle fera l’objet prochainement d’une critique en bonne et due forme dans la célèbre revue Behavioral and Brain Sciences (BBS). Et pour ce qui est de Francisco Varela, c’est plutôt une journée hommage pour les 20 ans de son départ prématuré qui vient d’être mise en ligne avec plusieurs de ses ancien.nes collègues dont on a déjà parlé ici.
La dernière fois que j’avais parlé de Tononi dans ce blogue, c’était le 28 janvier 2020 pour présenter ce « concours » visant à tester deux grandes théories rivales sur la conscience, l’autre étant celle de l’espace de travail global (« global workspace theory, ou GWT », en anglais) défendue entre autres par Stanislas Dehaene. Je vous renvoie donc à ce billet pour un résumé des deux approches. Ce qui est nouveau du côté de la théorie de l’information intégrée, c’est que la revue BBS s’apprête à publier un article intitulé The Integrated Information Theory of consciousness: A case of mistaken identity, par Bjorn Merker et ses collègues. Merker n’est pas le dernier venu non plus dans le domaine et j’en avais brièvement parlé dans mon site. Il soutient par exemple depuis longtemps que la conscience n’est pas que l’affaire du cortex et que des structures sous-corticales, en particulier du tronc cérébral supérieur, y contribuent aussi grandement. L’argument contre la théorie de l’information intégrée est toutefois ici plus théorique qu’anatomique et remet en question la position panpsychiste sur laquelle débouche la théorie de Tononi (l’idée que le moindre objet capable d’intégrer un peu d’information, comme un thermostat par exemple, aurait déjà un peu de conscience…). Voici un extrait du résumé de l’article :
“Our analysis shows that IIT’s identification of consciousness with the causal efficacy with which differentiated networks accomplish global information transfer (which is what Φ in fact measures) is mistaken. This misidentification has the consequence of requiring the attribution of consciousness to a range of natural systems and artifacts that include, but are not limited to, large-scale electrical power grids, gene-regulation networks, some electronic circuit boards, and social networks. Instead of treating this consequence of the theory as a disconfirmation, IIT embraces it.”
Pour les passionné.es de ce sujet, ça risque donc de barder, comme on dit ! Cela sera d’autant plus intéressant que sous cet article principal, la revue BBS publiera, fidèle à son habitude, plusieurs autres articles commentant ce débat.
* * *
Pour ce qui est de la journée hommage à la vie et l’œuvre de Francisco Varela, j’en avais parlé le 6 avril dernier dans ce billet. Ce devait être une semaine complète au célèbre Centre culturel international de Cerisy, mais elle a été remise du 13 au 19 août 2022 à cause de la crise sanitaire. Mais en attendant, ils ont quand même décidé de faire cette journée hommage sur Zoom qui vient d’être mise en ligne. Des témoignages très sentis de nombreuses personnes qui l’ont côtoyé font de cette journée un document unique à la mémoire de celui dont le rêve était de « dévoiler le secret de la vie » et de comprendre « la place de la psyché dans l’univers », deux questions qui ont guidé tout son parcours, tel que rapporté par son ami le physicien Michel Bitbol dans sa présentation.
L’autre événement dont j’avais parlé dans ce billet, le colloque virtuel « Ouroboros 2021: Life and Work of Francisco Varela » est aussi en marche avec ses conférences à toutes les deux semaines environ jusqu’à cet automne. Beaucoup de proches collaborateurs et collaboratrices y commentent cette fois des articles précis de Varela. Cela va donc pas mal plus dans les détails et conviendra donc davantage aux passionné.es de celui qui a grandement contribué à réintroduire le corps et la phénoménologie dans les sciences cognitives modernes.
Au coeur de la mémoire | Comments Closed