mardi, 5 septembre 2017
Deux magazines de vulgarisation sur le cerveau pour la rentrée
De tous les magazines de science en français, celui qui se rapproche peut-être le plus de ce qui se publie sur ce blogue est peut-être Cerveau & Psycho. Avec comme sous-titre « Le magazine de la psychologie et des neurosciences », il couvre généralement très bien le niveau cérébral et psychologique du Cerveau à tous les niveaux, en plus de faire inévitablement des petits tours au niveau des neurones et des neurotransmetteurs. Fréquemment aussi, il aborde des problématiques sociales comme c’est le cas cette semaine avec l’éducation dans le cadre de la rentrée scolaire. Pour l’occasion, huit articles archivés sur leur site web (et donc normalement payants) sont accessibles gratuitement durant la semaine qui vient.
Il y a d’abord Parler du cerveau aux élèves change tout, un entretien fort intéressant avec Eric Gaspar, un enseignant français de mathématiques qui a conçu un projet (Neurosup) pour appliquer concrètement dans les classes ce que les sciences cognitives comprennent de l’apprentissage, de la mémoire ou de l’attention.
On y aborde par exemple la stratégie du regroupement (« chunking », en anglais) pour pallier à la faible capacité de notre mémoire de travail. Ou encore, de l’importance des tests de rappel qui facilitent la mémorisation, comme j’en avais parlé lors de mon « École de profs » de juin dernier axées sur l’enseignement des sciences et des mathématiques au collégial. Extrait :
« L’une des stratégies, que je propose dans la formation Neurosup, est la suivante : après le « Ça va ? Tout le monde a compris ? », il s’agit de passer par une petite vérification plutôt détendue, en utilisant par exemple des petits cartons rouges et verts que je distribue à tous les élèves. Devant la classe, j’énonce alors quelques affirmations en lien avec le cours dont on vient de parler. Les élèves doivent lever leur carton rouge ou leur carton vert pour indiquer si chaque affirmation est, selon eux, vraie ou fausse.
Cette phase de retour sur le cours et d’interaction avec l’exposé de la leçon a de multiples avantages. D’une part, elle permet aux élèves de véritablement savoir s’ils ont retenu les connaissances de façon opérationnelle, et s’ils sont capables de les utiliser, en mettant ce savoir en relation avec des cas concrets et en le mobilisant. Résultat : il se crée des allers-retours entre la mémoire de travail des élèves et leur mémoire à long terme. On comprend pourquoi : ils doivent en effet faire travailler leur mémoire de travail pour traiter la question, et leur mémoire à long terme pour convoquer la connaissance… Mieux : la connaissance réactivée de cette manière est « réencodée » dans le cerveau, c’est-à-dire qu’elle fait l’objet d’une réécriture plus profonde, qui assurera son stockage à la fois plus solide et plus durable. »
Quant aux articles comme tels, la pièce de résistance est peut-être celui d’Emmanuel Procyk et de Martine Meunier publié en avril dernier et intitulé L’erreur forge le cerveau. Car le message des plus récents travaux sur ce qu’on appelle parfois le « cerveau prédictif » est fondamental pour tout apprenant.e : priver notre cerveau de l’opportunité de se tromper, c’est l’empêcher de s’améliorer. Notre cerveau s’abreuve ainsi à tout moment, si l’on peut dire, des écarts entre ce que son expérience passée lui propose comme comportement (ses « a priori » ou « priors », en anglais) et la rétroaction positive (succès) ou négative (échec) qui en résulte.
C’est ainsi que l’on découvre de plus en plus, pour citer un passage de la section « La vraie nature de l’erreur » :
« Par erreur, on entend le plus souvent échec ou résultat négatif. Cela correspond au sens commun, mais pour comprendre la façon dont notre cerveau fonctionne, ce n’est pas la bonne façon de procéder. En réalité, le cerveau repère systématiquement s’il se trompe, que ce soit en mal ou en bien. Il y a là une distinction fondamentale : ce que notre cerveau détecte, ce sont des écarts par rapport à ses attentes. Ce sont donc des erreurs de prédiction, et celles-ci peuvent aller dans les deux sens. »
On donne ensuite un exemple concret du phénomène dans le cerveau :
« Dans l’expérience, des images nouvelles apparaissaient sur un écran et deux secondes plus tard une récompense de jus de fruit était systématiquement délivrée. Lors des premières présentations d’images, les neurones du mésencéphale (plus tard identifiés comme des neurones produisant de la dopamine) augmentaient leur activité à l’arrivée de la récompense. Après plusieurs présentations, l’activité augmentait dès l’apparition de l’image, mais plus au moment de la récompense. Grâce à la répétition, l’image devenait en effet prédictive d’une récompense à venir : les neurones dopaminergiques des singes augmentaient leur activité en anticipation du jus de fruit.
Les chercheurs ont aussi découvert que, si à ce stade on cessait de donner la récompense attendue par le singe, ces neurones réduisaient leur activité au moment où la récompense aurait dû être reçue. C’est le principe d’erreur de prédiction : au début de l’apprentissage la récompense est inattendue, l’erreur de prédiction est positive (plus de récompense qu’espéré) et la réponse neuronale accrue ; après apprentissage, la récompense est prédite par la simple vue de l’image et l’erreur de prédiction est nulle (récompense espérée et obtenue ; la prédiction était bonne) ; en fin d’apprentissage, si l’on ne donne pas la récompense attendue, l’erreur de prédiction est négative (moins de récompense qu’espéré). Dans ces trois cas les mêmes neurones codent l’erreur de prédiction. »
Je vous laisse découvrir les autres articles, dont Les jeux cérébraux vont-ils remplacer les devoirs ? d’Olivier Houdé, dont on a déjà rapporté les travaux sur le rôle de l’inhibition préfrontale dans l’apprentissage. Et celui sur L’action, clé de l’apprentissage, un autre thème de prédilection de ce blogue.
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En terminant, un mot sur un autre bon magazine, québécois celui-là. Il s’agit de Curium, le « Débrouillards des ados ». Le numéro de septembre est maintenant en kiosque et contient un dossier intitulé « Êtes-vous (vraiment) intelligent ? ». Et aux pages 16 et 17, on peut y lire quelques citations sur la communication neuronale, le caractère dynamique du cerveau et les cellules gliales de… votre humble serviteur. 😉
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