lundi, 10 avril 2017
Trois séances sur le cerveau à l’UPop Montréal prochainement !
Il me fait très plaisir de porter à votre attention le cours intitulé « Pourquoi le cerveau a besoin du corps et de l’environnement pour penser » que je donnerai à partir du 19 avril prochain en collaboration avec l’UPop Montréal, un collectif de bénévoles qui organise depuis 7 ans des cours gratuits dans les bars et les cafés de Montréal.
Je ne vous cacherai pas que cela fait quelques années que je fais partie de ce collectif dont la mission est de favoriser le partage des connaissances sur notre monde et développer un esprit critique sur celui-ci. Un mandat fort similaire à celui du Cerveau à tous les niveaux, mais incluant carrément tous les champs du savoir ! L’espace me manque pour faire la longue liste de tous les cours qui ont été offerts à l’UPop depuis ses débuts en 2010. Mais j’ai des souvenirs mémorables de certains qui avaient touché mes cordes sensibles à moi, comme celui sur le fonctionnement des êtres vivants, celui sur l’astrophysique, celui sur la décroissance ou encore celui sur les trois infinis dont j’avais assumé la partie sur l’infiniment complexe c’est-à-dire, bien entendu, le cerveau.
Je suis donc bien excité à l’idée d’entreprendre cette nouvelle série de trois séances qui se déroulera en plus dans la très sympathique Station Ho.st avec ses délicieuses bières micro-brassées !
Une pièce en trois actes, donc, si vous me permettez ce petit délire théâtral…
Premier acte, le mercredi 19 avril : Cerveau : l’histoire d’un organe pas comme les autres. Où l’on exposera la tragédie classique qui consiste à essayer de comprendre le cerveau avec les technologies les plus avancées d’une époque. Engrenages et ressorts des horloges au temps des Lumières, hydraulique avec la libido freudienne, fils des téléphonistes pour les réflexes des behavioristes et, bien sûr, l’ordinateur depuis son développement il y a plus d’un demi-siècle. C’est cette dernière figure de héros, cette métaphore de notre pensée comme un logiciel qui « roulerait » sur notre « hardware » neuronal qu’il faudra mettre à mort si l’on veut enfin se libérer d’un dualisme cartésien qui s’est glissé partout dans les « sciences de l’esprit » (même dans cette expression !). C’est donc à grands coups de perspective évolutive, d’approche systémique des différents niveaux d’organisation, d’activité dynamique endogène et d’autres données récentes de l’imagerie cérébrale ou de l’optogénétique que nous tenterons de porter un coup fatal à ce dragon bicéphale ! Et cela, bien sûr, sans nier l’étrangeté de cette bête dont on peut étudier les propriétés comme tout autre objet avec une approche « objective » à la 3e personne, mais également, et c’est ce qui fait son étrangeté, avec une approche subjective (certains diraient phénoménologique) à la première personne (l’effet que ça fait d’être une chauve-souris ou un humain, par exemple).
Deuxième acte, le mercredi 26 avril : Cerveau et corps ne font qu’un (la cognition incarnée). Où l’on découvrira avec stupeur que le spectre du dualisme cartésien s’est immiscé jusque dans notre conception du corps humain en séparant de façon arbitraire le cerveau du reste du corps. Et pour fuir et combattre encore une fois cet abîme de la pensée, nous fourbirons nos armes à partir des données de la neuroendocrinologie et de la neuro-psycho-immunologie qui montrent à quel point ce qui se passe dans notre corps influence ce qui se passe dans notre cerveau, et vice-versa. Tout pour éviter le châtiment suprême, l’inhibition de l’action, où les contraintes de la vie moderne nous empêchent d’agir alors que les menaces symboliques qui nous assaillent mobilisent nos ressources pour un combat qui ne viendra jamais. Pas bon, ça. Pas bon du tout, comme on le verra en survolant les nombreuses études sur le stress chronique. Heureusement, une lueur surgira à la fin de cet acte à travers d’autres études, cette fois sur l’effet placebo. Car si nos pensées peuvent être néfastes pour notre corps, on découvrira la Force (!) positive que celle-ci peut aussi avoir sur l’ensemble de notre organisme. « You are what you spend your time doing”, nous chuchotera alors non pas Obi-Wan Kenobi mais le toujours pertinent Deric Bowns… (on parlait d’un délire n’est-ce pas ? 😉 ).
Troisième acte, le mercredi 3 mai : Cerveau-corps-environnement (les sciences cognitives énactives). Où nous serons amenés à faire un constat inquiétant, celui que notre l’environnement dans lequel se déroule nos péripéties est beaucoup plus qu’une simple source « d’inputs » que notre cerveau doit traiter pour fournir un « output » moteur. Ce schéma classique, voire hollywoodien tant il peut sembler simpliste, sera mis à mal par la montée en puissance des approches dites « énactives » des sciences cognitives. Celles-ci dévoileront d’innombrables couplages avec l’environnement assortis de nombreuses boucles de contrôle qui transcendent les frontières convenues entre le soi et le monde extérieur. Les choses et les êtres nous suggèrent continuellement, et bien souvent à notre insu, différentes opportunités d’action (ou « affordances ») dont certaines, pour diverses raisons souvent inconscientes, vont être sélectionnées. Nous découvrirons alors que nous faisons partie de quelque chose de plus vaste. De la thermodynamique aux cultures humaines, on voit poindre à l’horizon la possibilité d’expliquer cette croissance de la complexité dans des cadres théoriques englobants, comme celui de la minimisation de l’énergie libre. Mais l’objet le plus complexe de l’univers connu parviendra-t-il à expliquer globalement ce qui l’a rendu possible ? Vous comprendrez que comme il s’agit ici de « théâtre scientifique », une fin ouverte s’impose…
Si je me suis permis de sortir aujourd’hui d’une certaine prose plus factuelle qui sied d’ordinaire mieux à la chose scientifique, c’est que l’UPop, où sera donné ce cours, demeure pour moi un lieu d’expérimentation. Les gens viennent de leur plein gré, à 19h après leur journée de travail, par pure curiosité, donc ce n’est pas le temps de les assommer avec une présentation académique aride. Je vois donc ces séances comme un show impressionniste, certes truffés de références récentes issues par exemple de ces billets de blogue, mais un show conçu pour susciter des questions et les « wow » inévitables que ces sujets fascinants génèrent.
Et comme il y a des gens aux connaissances très variées qui viennent à l’UPop, il est toujours plaisant d’essayer d’en « donner pour son argent » à tout le monde. C’est dans cette optique que la première heure de chaque séance sera vraiment accessible à tous, mais que je me permettrai un petit 15-20 minutes de contenu plus avancé au début de la deuxième heure (avant la période de discussion), juste pour être certain que vous ne sortiez pas de là en vous disant que c’est somme toute assez simple… (ma grande hantise).
Donc au plaisir de croiser bientôt votre corps-cerveau dans un environnement houblonné riche en affordances sociales de toutes sortes !
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