lundi, 21 août 2023
Journal de bord de notre cerveau à tous les niveaux : des différences entre les cultures individualistes et collectivistes
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Je continue cette semaine la publication du « journal de bord » de mon livre en y publiant certains encadrés qui n’ont pu, faute d’espace, trouver leur place dans le bouquin. Celui-ci entretenant déjà des rapports étroits avec le site web Le cerveau à tous les niveaux et son blogue grâce à différents renvois, cette conversion ne fait donc qu’étendre une approche déjà présente depuis le début du projet. Je publie donc aujourd’hui un premier encadré ainsi retiré du chapitre 12. Il évoque très sommairement des différences profondes entre les cultures individualistes nord-américaines et collectivistes Est asiatiques, telles que rapportées par Robert Sapolsky dans son livre Behave, The Biology Of Humans At Our Best And Worst.
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Les premières valorisent les besoins et les droits individuels, la réalisation personnelle en glorifiant le fameux « self-made man », l’unicité et l’autonomie. Tandis que pour les secondes, ce qui importe ce sont plutôt les besoins du groupe, l’interdépendance, la conformité et l’harmonie. Pour se présenter, les gens des cultures individualistes diront quelque chose comme : « Je suis professeur… J’ai des compétences pour enseigner les maths… J’ai commencé à m’y intéresser à l’été de mes 14 ans… ». Alors que ceux des cultures collectivistes diront plutôt : « Je suis le fils de Hao… J’ai été recruté comme prof parce que j’étais stagiaire dans la classe de madame Truong… Un peu avant l’été où nous sommes devenus amis… »
Ces valeurs culturelles contribuent si profondément à l’identité des gens qu’elles auront des effets physiologiques bien différents selon les situations. Dans les cultures individualistes, les gens sécrètent des glucocorticoïdes, une hormone qui aide à faire face à un stress, lorsqu’on les force à parler de quelqu’un qui les a aidé et influencé, alors que dans les cultures collectivistes, la même hormone est au contraire sécrétée lorsqu’ils sont forcés de parler de l’influence qu’ils ont eue sur quelqu’un. Quant à la sécrétion de dopamine dans le système mésolimbique associée à la quête de bien-être, les gens de culture individualiste en sécrètent davantage lorsqu’ils voient un visage exprimer de l’excitation, et les gens de culture collectivistes lorsqu’ils voient un visage calme.
Et même au niveau cognitif, on observe des différences notables dans la façon de raisonner des cultures individualistes et des cultures collectivistes. Si l’on demande, par exemple, lesquels « vont ensemble » entre un singe, un ours et une banane ? Les Occidentaux vont avoir tendance à donner une réponse par catégorie, donc répondre « singe et ours », et les Orientaux donner une réponse plus relationnelle, donc « singe et banane ». Les Occidentaux vont aussi spontanément avoir tendance à regarder le centre d’une image qu’on leur présente, et leur cortex frontal va travailler plus fort si on les force à regarder l’ensemble de l’image. Dans les cultures collectivistes, c’est le contraire : ils regardent spontanément l’ensemble de l’image, et ne regarder que le centre leur demande plus d’effort. Et bien entendu, les biais en faveur du groupe sont plus présents dans les sociétés collectivistes qu’individualistes.
Évidemment, comme le rappelle Sapolsky, tout cela est : « en moyenne », et il peut y avoir de grandes variations à l’intérieur d’une culture; les cultures sont aussi dynamiques, donc peuvent changent avec le temps; c’est également beaucoup lié à l’éducation, un Asiatique naissant aux États-Unis devient en général plutôt individualiste. Cela dit, on sait aussi que la fréquence de certains gènes varie entre les cultures sous l’influence du phénomène de coévolution gène-culture. Par exemple, l’allèle 7R du gène du récepteur à la dopamine associé à plus d’impulsivité et à la recherche de nouveauté se retrouve davantage chez les Européens et des Américains d’origine européenne que chez les Asiatiques de l’est. Il serait l’héritage des individus qui se sont lancés dans de grandes migrations au cours de l’histoire humaine.
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