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lundi, 27 mars 2023
Journal de bord de notre cerveau à tous les niveaux : « dark neurons » et « sparse coding », deux concepts reliés?

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Étant toujours dans la phase de relecture finale de mon livre jusqu’à la fin du printemps, je continue son « journal de bord » en y publiant certains encadrés qui n’ont pu, faute d’espace, trouver leur place dans le bouquin. Celui-ci entretenant déjà des rapports étroits avec le site web Le cerveau à tous les niveaux et son blogue grâce à différents renvois, cette conversion ne fait donc qu’étendre une approche déjà présente depuis le début du projet. Je poursuis donc aujourd’hui mon « nettoyage » avec le chapitre 6. L’encadré retiré traite de tous ces neurones, en particulier dans le cortex, qui sont silencieux ou n’émettent spontanément que très peu d’influx nerveux.

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On parle parfois de « dark neurons », par analogie avec la matière et l’énergie sombre du cosmos, pour désigner ces neurones qui ne génèrent que rarement des potentiels d’action. À ne pas confondre avec la même expression qui désigne aussi des neurones qui sont fortement colorés en histologie, on ne sait pas trop pourquoi. Le neurobiologistes Mark Humphries est l’un de ceux qui s’intéresse de près aux neurones silencieux, que ce soit dans son livre The Spike ou dans différentes entrevues ou articles. Humphries est le premier à reconnaître l’importance de l’activité neuronale spontanée dans le cerveau, en particulier dans certaines structures cérébrales comme le thalamus. Mais il a aussi soulevé beaucoup de question sur le rôle et la signification possible de ces « dark neurons » mis en évidence par l’avènement des techniques optiques d’imagerie au calcium. Parce qu’avant, en électrophysiologie classique, on « trouvait » des neurones en descendant lentement une électrode dans le tissu nerveux jusqu’à temps qu’un dispositif visuel ou sonore signale l’émission de potentiels d’actions près de la pointe de l’électrode. On ne trouvait donc de cette façon que des neurones qui étaient forcément actifs. Mais avec les techniques optiques qui permettent de voir tous les neurones, on s’est vite aperçu que la majorité des neurones du cortex n’émettaient pas d’influx nerveux spontanément. Et même quand on présentait différents stimuli à l’animal, très peu réagissaient en réalité. À quoi pouvaient servir alors tous ces neurones qui produisent moins d’un influx nerveux par minute ?

Certains ont fait remarquer que ces neurones qu’on ne voit pas actifs très souvent renvoyaient peut-être à un concept de plus en plus discuté qui est celui de « sparse coding » en anglais. C’est l’idée que nos engrammes mnésiques seraient formés finalement de relativement peu de neurones éparpillés çà et là, par opposition à une conception plus classique où ce sont de grandes populations de neurones qui forment ces assemblées de neurones. Les deux auraient des avantages et des inconvénients pour encoder de l’information et le débat se poursuit dans le champ des neurosciences computationnelles.

Dans une optique de « sparse coding », on pourrait donc penser que ces neurones silencieux ne le sont pas toujours, et qu’avec un spectre de stimuli plus large, dans des conditions naturelles plus riches qu’en laboratoire ou lors du rappel d’un souvenir, ils pourraient eux aussi devenir plus actifs.

Alternativement, dans une optique populationnelle, on pourrait aussi se dire que même si ces neurones ne font feu que très rarement, étant donné qu’ils sont si nombreux, ils pourraient collectivement produire énormément de potentiels d’action et avoir des effets importants.

Bref, on est loin, très loin de comprendre ce que font l’immense majorité des neurones de notre cerveau. Comme on est loin de comprendre ce que fait la matière et l’énergie sombre dans le cosmos. Et ce qui est assez spécial, c’est qu’on a estimé qu’au moins la moitié de toute notre activité cérébrale ne serait produite que par environ 10% des neurones. Un petit clin d’œil au fameux « on utiliserait que 10% de notre cerveau », bien entendu sans fondement énoncé comme ça, mais qui reviendrait ainsi par la porte d’en arrière. Une porte toutefois plus complexe et plus étayée scientifiquement, dans ce cas-ci. Comme quoi même pour ce neuromythe classique il y a parfois du vrai dans le faux !

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