lundi, 2 mai 2022
Un cours sur les statistiques « bayésiennes » à la base du « cerveau prédictif »
Je voudrais cette semaine vous signaler la tenue d’un excellent cours de l’UPop Montréal sur les statistiques, surtout parce qu’il y a une séance sur l’approche de Bayes ce mardi à 19h au Café les Oubliettes, à Montréal. Vous allez peut-être me dire de un, les stats c’est pas nécessairement un sujet très sexy comme sujet, et deux, que vous ne voyez pas pourquoi ce monsieur Bayes pourrait vous intéresser ? J’aimerais donc essayer de vous convaincre que vous devriez vous intéresser à ce type de statistique, et par conséquent de profiter ce cette occasion de les découvrir si vous ne les connaissez pas ! 😉
Et pour ne pas réinventer la roue, je vais vous citer quelques extraits choisis d’un billet de blogue écrit sur ce sujet il y a trois ans et demi :
Il y a une façon de concevoir le cerveau de plus en plus répandue en sciences cognitives, celle d’une machine à faire des prédictions. L’approche du « cerveau prédictif » (« predictive processing », en anglais) constitue ni plus ni moins qu’un changement de paradigme majeur par rapport à la vieille analogie cerveau-ordinateur du cognitivisme des années ’70, par exemple. Non le cerveau n’attend pas passivement ses «inputs» pour «traiter des représentations symboliques» et produire des «outputs». Il cherche plutôt constamment à faire des inférences à partir des perturbations physiques que subissent ses sens pour tenter d’en comprendre les causes.
Et bien sûr, ces inférences, nous ne les faisons pas à partir de rien. Nous disposons d’un tas d’hypothèses préalables sur le monde qui nous viennent à la fois de notre longue histoire évolutive et de l’expérience personnelle accumulée au cours de notre vie.
[…] Mais le grand principe d’inférence statistique que l’on vient d’évoquer dans son ensemble reçoit souvent l’étiquette d’inférence « bayésienne » ou, par extension, de pensée « bayésienne » (parce qu’issu des travaux du révérend et mathématicien britannique Thomas Bayes (1702-1761)). Or je suis tombé un peu par hasard sur un petit bijou de vidéo qui en explique en français les bases de manière très claire et imagée. Intitulée « La pensée bayésienne », elle est l’œuvre de Christophe Michel, animateur de la chaîne vidéo Hygiène Mentale destinée au développement de la pensée critique.
[…] Et la grande force de sa vidéo est à mon avis d’élargir la notion d’inférence bayésienne à l’ensemble de la méthode scientifique. Car la science utilise autant les méthodes fréquentistes des statistiques que l’approche bayésienne. La statistique fréquentiste est en effet l’autre grande famille des stats, sans doute plus connue, celle de la probabilité d’obtenir un résultat « x » dans le cadre d’une hypothèse donnée. C’est ce type de probabilité que l’on utilise à l’intérieur de tout bon article scientifique pour juger de la vraisemblance d’un résultat observés. Ou pour émettre une prédiction. Par exemple, ayant un modèle général du mode de vie de telle bactérie ancienne, il y a de bonnes chances que ce soit elle qui ait laissé ce type de traces que l’on observe dans une roche.
Mais l’approche scientifique, si on la considère dans son ensemble et pas seulement à l’intérieur d’un article scientifique, fait aussi un usage essentiel des statistiques bayésiennes. À commencer par le choix des modèles qu’on utilise ! Pourquoi celui-ci plutôt que tel autre si ce n’est que parce qu’on a « l’intuition » (par la somme de nos modèles internes plus ou moins conscients…) qu’il est possiblement plus juste (ou simplement parce qu’il est en vogue et qu’il y a des fonds de recherche plus faciles à aller chercher de ce côté-là…). Pour reprendre l’exemple de la bactérie ancienne, considérant qu’elle a laissé tel type de trace, quelle sont les probabilités que ce soit le modèle A ou le modèle B de son mode de vie qui a le plus de chance d’être le bon ? Ou pour aller du côté du cerveau prédictif : ce bruissement que je discerne dans les herbes hautes là-bas, c’est un tigre ou simplement le vent ? Selon les évidences dont je dispose, et en m’appuyant sur mon expérience du monde, je dois réagir assez vite… On comprend alors aisément pourquoi ce processus a pu avoir une grande valeur adaptative.
C’est intéressant de constater que les statistiques bayésiennes ont inévitablement une part de subjectivité. C’est non seulement vrai, mais c’est aussi le cas de la démarche scientifique en général ! Et ça ne peut pas faire autrement puisque les cerveaux humains qui font la science semblent avoir, comme on le découvre dans leur principe de fonctionnement même, l’inférence bayésienne comme source.
Et cela ne donne pas pour autant des munitions aux adeptes du paranormal parce que, disent-ils, ce serait une preuve que la méthode scientifique ne serait pas « objective ». Elle ne l’a bien entendu jamais été, et ceux qui le croient ne peuvent faire meilleure démonstration de leur méconnaissance de la science. Mais celle-ci demeure et de loin, justement à cause de la grande adaptabilité de ses processus bayésiens, notre meilleure façon de comprendre le monde.
Pour en savoir plus, faites comme moi et venez écouter Élise Davignon, doctorante et chargée de cours à l’Université de Montréal, au Café les Oubliettes demain soir, mardi le 3 mai à 19h !
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