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lundi, 1 novembre 2021
La diminution du volume cérébral humain plus récente qu’on ne le croyait

Durant les derniers quelques millions d’années, notre lignée du genre Homo a vu son mode de vie radicalement transformé. On est passé de chasseurs cueilleurs, à agriculteurs, à travailleurs autonomes tout seul chez soi devant son ordinateur avec des rencontres Zoom toute la journée… Je blague un peu, mais il est vrai qu’aucune autre espèce n’a connu de tels changements comportementaux durant la même période. Or le cerveau de l’australopithèque puis des différentes lignées du genre Homo a vu, durant les 6-7 derniers millions d’années, son volume tripler ou quadrupler, une explosion de volume absente chez nos plus proches cousins les chimpanzés. Cet accroissement spectaculaire de notre volume cérébral est donc bien sûr le suspect numéro un pour explqiuer le développement incroyable de nos capacités cognitives durant à peu près la même période. Or on savait que, plus récemment, le volume cérébral du cerveau humain avait légèrement diminué. Certains situaient le début de cette baisse de volume à il y a 35 000 ans vers l’époque des premières peintures rupestres, d’autres plus vers il y a 10 000 au début du néolithique, c’est-à-dire l’avènement de l’agriculture et de la domestication animale. Mais une étude publiée le 22 octobre dernier situe le début de ce déclin de volume beaucoup plus tôt qu’on ne le croyait, vers il y a 3 000 ans seulement !

De plus, le taux de cette diminution de volume serait environ 50 fois plus rapide que la première accélération de l’expansion du cortex associatif humain que les auteurs de l’étude situent vers il y a 2,1 millions d’années (voir l’image en haut du billet et l’agrandissement ci-contre). Un peu plus tard, à partir de vers il y a 1,5 millions d’années, Jeremy DeSilva et son équipe ont noté une légère diminution de ce taux d’accroissement du volume cérébral dans notre lignée. Pour ce faire, ils ont analysé les données de 985 fossiles et crânes humains échantillonnés durant tout le processus d’hominisation  et ses nombreuses causes entrelacées.

L’autre aspect fort intéressant de cette étude est dans l’analyse des raisons possibles de cette diminution tardive du volume cérébral du cerveau humain. Différentes causes ont déjà été évoquées pour tenter d’expliquer le début de cette diminution qu’on situait, comme on l’a mentionné, beaucoup plus tôt dans notre évolution, comme par exemple l’auto-domestication (chez les espèces domestiquées, le cerveau subit généralement une baisse de volume). Les auteurs de ce nouvel article, dont les domaines vont de l’anthropologie biologique à la neurobiologie évolutive en passant par l’éthologie, y vont d’une hypothèse différente qui s’inspire de ce qu’on peut observer dans les colonies de… fourmis !

En utilisant des calculs modélisant le degré de spécialisation chez les différents membres de différentes espèces de fourmis, ils en sont venus à la conclusion que le niveau de divisions du travail et de capacité cognitive générale de la colonie pouvait exercer une pression sélective sur la taille des cerveaux de ses membres. Ainsi, quand la connaissance est partagée entre différents individus qui deviennent spécialistes de certaines tâches, le cerveau pourrait alors se passer d’un peu de sa capacité de calcul en diminuant de volume au fil des générations. Mais pourquoi cela se produirait-il ? Après tout, on pourrait croire que ça peut être utile d’avoir de meilleures capacités de calcul en surplus. Ce serait oublier que le cerveau est un organe extrêmement énergivore (avec un poids de 2% du corps humain, il consomme en permanence 20 à 25% de nos ressources énergétiques !). Et donc si on peut réduire sa taille un peu parce qu’on a moins besoin de puissance de calcul parce qu’on l’a délesté dans une technologie ou dans le savoir spécialisé d’un autre humain, eh bien c’est une bonne affaire globalement ! Et l’évolution ne va pas se gêner pour favoriser ces individus au cerveau plus petit et donc moins énergivore.

Cela rejoint d’ailleurs tout à fait le phénomène de « cognition étendue » mis de l’avant par les philosophes des sciences cognitives. L’extériorisation de certaines de nos connaissances, en d’autres termes notre intelligence collective, favorisée par la grande coopération au sein des sociétés humaines, aurait donc vraisemblablement contribué, selon cette étude, à optimiser légèrement à la baisse notre volume cérébral. Comme quoi « plus » ne rime pas toujours avec mieux, et être collaboratif peut être plus précieux que compétitif, malgré ce qu’en claironnent les chantres de l’économie de marché…

De la pensée au langage | Comments Closed


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