lundi, 6 septembre 2021
Pas facile de demeurer rationnel avec une pandémie et une campagne électorale !
La conjoncture d’une campagne électorale comme celle qui au lieu au Canada en ce moment et d’un an et demi de pandémie met à mal, c’est le moins qu’on puisse dire, la rationalité des décisions prises en haut lieu et l’assentiment que leur accorde la population. On sait ainsi depuis longtemps que les politiciens essaient constamment de jouer sur nos émotions, pas sur notre raison. Et ce, qu’ils soient d’allégeance conservatrice ou libérale. Je rappelle aujourd’hui quelques exemples de ces décisions irrationnelles qui peuvent malheureusement avoir de graves conséquences dans la vie des gens.
Dans son livre Moral Politics, le linguiste George Lakoff proposait que la métaphore qui évoque le mieux l’idéologie conservatrice est celle du père autoritaire, un « strict father » en anglais, et que celle qui évoque l’idéologie libérale serait plutôt celle d’un parent maternant, un “nurturant parent”. Au Québec, des politiciens comme le premier ministre François Legault ou son ministre de la santé Christian Dubé, même s’ils ne se réclament pas ouvertement du conservatisme, représentent parfaitement cette attitude où les décisions, prises sans débat suite à l’instauration d’un état d’urgence qui n’en finit plus, sont présentées sur un ton autoritaire avec moult menaces de sanctions. L’effet est sidérant pour la majorité de la population qui, la peur au ventre devant un ennemi invisible et omniprésent, obéit sans réfléchir et sans poser de questions (à part de rares exceptions).
Cette position morale, que Lakoff considère comme malsaine pour la société parce qu’elle fait la promotion d’une culture de la peur, de l’exclusion et du blâme, produit surtout son lot d’errements et d’erreurs car elle se prive de l’intelligence collective que peut amener le débat démocratique. J’en ai souligné plusieurs comme dans ce billet où je rappelais que :
« Ce gouvernement minimise depuis le début de la crise la transmission par aérosols, alors qu’il n’a suffi que de quelques mois à la communauté scientifique pour faire consensus là-dessus. Il retarde la mise à niveau des locaux dans les écoles et refuse l’installation de purificateurs d’air […] Certains se sont aussi demandé si la volonté farouche du gouvernement de garder les enfants à l’école n’était pas motivée par la volonté de maintenir leurs parents au travail. Encore ici, je ne trouve pas d’explication alternatives évidentes… »
Ou dans celui-là, où l’on négligeait l’importance de masques adéquats au travail :
« L’émission Enquête nous apprenait par exemple jeudi dernier que des scientifiques se battent depuis un an au sein de l’appareil gouvernemental pour élargir l’accès au N95 aux travailleurs de la santé du Québec dont le taux d’infection à la COVID-19 est comme parmi les plus élevés au monde. L’émission nous apprend qu’ils ont été largement ignorés ou censurés. »
Sans oublier les égarements des fameux couvre-feu
« dont on n’a pourtant jamais pu établir l’efficacité contre la transmission de la Covid-19 d’un point de vue scientifique. Mais pour ce qui est des effets néfastes sur la santé mentale de telle mesures qui nous privent d’une part importante de nos rapports sociaux, là pas de doute, ils sont de mieux en mieux documentés. Et ce qu’on découvre, c’est que ces « dommages collatéraux » sont loin d’être légers ou banals. La dernière en ligne, publiée en mars dernier par Johanne Ingram et ses collègues, montre que c’est l’ensemble de nos fonctions cognitives qui déclinent quand on est privé d’une part importante de nos contacts avec les autres, comme ce fut le cas depuis un an. »
La « docilité » de la population, explicitement évoquée par la vice-première ministre du Québec, Geneviève Guilbault, passe ainsi presque du rêve à la réalité pour les gens de pouvoir grâce à une menace bien réelle mais qui évite toute mise en perspective avec les autres déterminants de la santé physique et mentale. Heureusement, on commence à trouver des articles de plus en plus critiques de certaines dérives sanitaires dont les effets négatifs pourraient dépasser les positifs. Par exemple celui-ci, publié dans The Atlantic, magasine phare de la gauche américaine, où l’on fait le point sur la question du masque pour les jeunes enfants à l’école. Leurs effets néfastes sur l’apprentissage sont de plus en plus documentés alors que les bienfaits, eux, restent à démontrer.
On a bien sûr eu aussi au Québec notre lot de ces décisions douteuses où il a fallu que des voix de la société civile s’élèvent pour en montrer toute l’absurdité. Cela avait été par exemple le cas avec les ateliers de réparation de vélos qui avaient été fermés au début de la pandémie alors que les garages pour les voitures, eux, pouvaient demeurer ouverts. Il y avait là un deux poids deux mesures qui avait fait sursauter Suzanne Lareau, directrice générale de Vélo Québec :
« M. Legault nous dit de garder nos distances, de faire de l’activité physique et de prendre l’air. En vélo, on peut garder facilement une distance physique, ça permet de rester actif et de se déplacer tout en s’aérant l’esprit. Tout ce qu’on demande. Et puisque les rues se sont vidées de leurs voitures, il n’a jamais été aussi sécuritaire de rouler à vélo dans Montréal ».
La dernière mesure qui table encore une fois sur la « docilité » de la population pour son acceptabilité sociale est le fameux passeport vaccinal. Mis en place avec empressement, alors que les pays qui l’ont instauré les premiers commencent à le délaisser, voilà un autre exemple de mesure qui amène son lot de discrimination, d’exclusion et d’incohérences. Sans parler du fait qu’il renforce l’habitude d’un contrôle social numérique dont les dérives potentielles sont énormes.
Instaurer un climat de peur, offrir la protection, obtenir le contrôle : on revient toujours à cette recette éprouvée qu’il faut apprendre à reconnaître. Pour garder un peu la tête froide et comprendre par exemple que si le vaccin protège effectivement contre les formes graves de la Covid en réduisant considérablement les risques d’hospitalisation, il n’empêche pas, même si c’est à un moindre degré, la transmission de la maladie (et même d’avoir des symptômes sérieux). Dans ces conditions, l’imposition d’un passeport vaccinal avec l’aura salvatrice dont on l’entoure, propice à nous faire oublier les autres précautions sanitaires de base, est le dernier rejeton d’une longue liste de mauvaises décisions dans la gestion sanitaire de cette crise.
Je termine en laissant une voix citoyenne donner un exemple de contre-productivité et d’incohérence du passeport sanitaire dans le très bon texte de cette pétition, dont je mets l’intro ici mais qui est à lire au complet si vous n’avez pas peur du merveilleux monde de Kafka. Et bien sûr à signer si vous êtes d’accord. Peut-être une fois de plus parviendrons-nous à faire entendre raison à ce gouvernement et à lui faire admettre que non, « papa n’a pas raison » ?
« Marcher dans la rue ne requiert pas de passeport vaccinal, mais marcher au Jardin botanique, si. Il y a là une restriction d’accès que les mesures sanitaires ne justifient pas et qui est incohérente avec les autres mesures sanitaires mises en place. Nous demandons aux autorités responsables de cette décision de corriger le tir et de ne pas limiter indument l’accès au Jardin botanique de Montréal. »
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