lundi, 26 novembre 2018
La sieste aidera votre jeune enfant à consolider ses apprentissages… s’il n’est pas trisomique
On ne passerait pas environ le tiers de notre vie à être couché immobile et inconscient, bref à dormir, si cela ne nous était pas grandement bénéfique. Et de fait, on commence à comprendre les nombreux bienfaits du sommeil pour l’organisme, et en particulier pour le cerveau. Cela va de l’élimination accrue des déchets comme la protéine bêta-amyloïde, à la diminution de surface des synapses augmentée par les innombrables stimulations de la journée (un « reset » nécessaire des connexions neuronales de l’ordre de 20%). L’un des effets positif du sommeil les plus étudiés est sans doute la consolidation des apprentissages significatifs qu’il favorise dans certains réseaux de neurones (qui eux vont donc conserver l’augmentation d’efficacité acquise durant la journée).
C’est cette contribution du sommeil à la consolidation des apprentissages qui vient d’être une fois de plus confirmée dans une étude faite sur les tous jeunes enfants (de 2 à 4 ans environ). Mais ce n’est pas l’effet positif d’une nuit de sommeil sur la consolidation des apprentissages que l’on a ici étudié, mais la sieste d’environ une heure et demie que les enfants de ces âges font fréquemment (un jour sur deux en moyenne). Et comme on s’y attendait, ce sont les jours où les jeunes enfants avaient fait une sieste après leur apprentissage qu’ils retenaient mieux de nouveaux mots lorsqu’on les interrogeait 4 ou 24 heures après leur présentation. Même une simple sieste semble donc avoir des effets favorables sur la consolidation de nos apprentissages, du moins pour de jeunes enfants.
L’étude menée par Goffredina Spano de l’université de l’Arizona publiée dans la revue PNAS la semaine dernière ne portait cependant pas que sur des enfants normaux (ou « neurotypiques » pour employer un terme plus neutre qui se répand de plus en plus). Elle a aussi testé un nombre similaire d’enfants souffrant du syndrome de Down, autrement dit de trisomie 21. Étonnamment pour eux, la sieste n’a pas eu d’effets bénéfiques sur la consolidation mnésique. La rétention des nouveaux mots était même pire avec la sieste que sans elle ! Quel étrange résultat…
Mais l’article fournit aussi une clé pour le comprendre. Il faut ici rappeler que lorsqu’on dort, on alterne entre deux grands types de sommeil : le sommeil profond et le sommeil paradoxal (ou REM). Or les personnes souffrant du syndrome de Down ont certains problèmes avec leur sommeil, notamment une difficulté d’alterner correctement entre sommeil profond et paradoxal. Ainsi, sur les 25 enfants atteints du syndrome de Down ayant pris part à cette étude, 44% n’ont pas eu de sommeil paradoxal du tout durant leur sieste de 90 minutes. En comparaison, seulement 6% des enfants neurotypiques n’y sont pas entrés. De plus, chez ces derniers, la rétention des nouveaux mots était positivement corrélée avec le pourcentage de temps passé en sommeil paradoxal.
S’appuyant sur d’autres études chez les animaux et les humains démontrant que le REM, de concert avec le sommeil profond, joue un rôle important pour consolider nos souvenirs, Spano et ses collègues suggèrent que cette différence dans les durées de REM entre les enfants neurotypiques et ceux atteints du syndrome de Down semble l’explication la plus plausible pour expliquer l’effet opposé étonnant entre les deux populations.
Tout ceci nous rappelle aussi à quel point le peu de chose que l’on connaît sur le cerveau humain nous vient surtout d’expériences sur des personnes « neurotypiques » et que, vu les combinatoires astronomiques qui peuvent se déployer en termes de connectivité dans un cerveau humain, les systèmes nerveux « atypiques » peuvent répondre complètement différemment à ce qui est généralement bénéfique ou néfaste pour la population en général.
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