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lundi, 25 mai 2015
Chercher du sens à la vie devant la mort

J’ai appris hier qu’une bonne amie, qui du reste n’a pas eu une année facile, vient de perdre son père. Pourquoi mentionner cela ici ? Parce que la perte d’un être cher provoque une telle onde de choc dans les cerveaux humains des proches de la personne disparue qu’un site web qui aspire à parler du cerveau « à tous les niveaux » serait bien mal venu de ne pas considérer comme fondamental cet aspect de l’expérience humaine. Un aspect qui soulève immédiatement un problème difficile, encore plus que celui de la conscience (bien qu’en découlant) : le problème du sens, de la signification de l’existence humaine.

Et donc en cherchant ce matin un sujet pour mon billet hebdomadaire sur ce blogue, mon regard survolait les dizaines d’études amassées dans mon dossier pour leur intérêt certain en sciences cognitives sans qu’aucun ne me donne pourtant le goût d’écrire. Tous me semblaient « hors sujet » par rapport à ce qui me trottait dans la tête. Jusqu’à ce que mon regard accroche sur ce titre d’un résumé de Deric Bownds d’il y a six mois : « E.O. Wilson and « The Meaning of Human Existence » ».

Ma première réaction fut de ne pas me mouiller avec le controversé «père» de la sociobiologie, néanmoins spécialiste des fourmis mondialement reconnu. Mais le fait que Bownds écrive, à propos de son dernier livre « The Meaning of Human Existence » qu’il corroborait sa propre opinion sur le «sens de la vie», à savoir que de faire l’expérience de nous-mêmes en tant que partie prenante de l’évolution biologique est pour lui une voie spirituelle suffisante, m’a rassuré. C’est en effet la conclusion, pour certaines personnes encore étonnante, à laquelle parviennent un grand nombre de scientifiques qui ont été aux confins des connaissances humaines dans leurs domaines respectifs.

Et pas seulement des biologistes, mais de beaucoup d’astrophysiciens, Carl Sagan ou Hubert Reeves pour citer des promoteurs actifs de cette conception du monde sans grand « designer » mais non moins dépourvue du sentiment de faire partie d’un grand tout qui dépasse les frontières de l’humanité. Robert Lamontagne nous rappelait ainsi de belle façon il y a quelques semaines lors de son passage à l’UPop Montréal (voir le 2e lien ci-bas) que chaque atome autre que l’hydrogène qui compose notre corps provient du cœur d’étoiles comme les milliers que nous pouvons admirer dans le ciel nocturne loin des villes. Bien mieux qu’un dieu vengeur pour nous faire prendre conscience de notre petitesse et de nous donner le goût de nous serrer les coudes plutôt que de nous frapper à tour de bras…

Sinon, pour revenir à l’extrait présenté par Bownds du livre de Wilson, il y est fait mention de deux niveaux de sélection, l’un intra-groupe, favorisant selon Wilson la compétition entre les individus, et l’autre inter-groupe, favorisant la coopération des individus du groupe pour supplanter d’autres groupes. Gros débat qui dure depuis longtemps encore ici en biologie sur les « unités de sélection » qui seraient les plus pertinentes.

D’autres théories visant à cerner ces forces naturelles qui ont pu façonner la psyché humaine surgissent alors dans mon petit cerveau ébranlé de ce matin. Par exemple celle des primatologues, que m’avait transmise mon ancien professeur Bernard Chapais, où l’accessibilité aux ressources est détermiante pour le type de relations inter-individuelles au sein d’un groupe : rares et elles suscitent de l’entraide pour se les approprier, limitées et l’on voit surgir divers types de compétition, abondantes et cette compétition disparaît. Nous sommes peut-être agis plus que nous agissons…

Un dernier flash sur ce sujet évidemment impossible à conclure. Sur la vie qui se termine abruptement et qui commence de la même façon. Avec chez la mère des taux maximum d’ocytocine à l’accouchement qu’elle ne retrouvera qu’à un degré moindre lors de l’allaitement et qui créeront entre elle et l’enfant un puissant lien d’attachement.

Dans Origins of Humanness in the Biology of Love, Humberto Maturana et Gerda Verden-Zoller postulent que ce sont les liens de coopération qui ont eu la plus grande influence sur le développement cognitif singulier de la lignée humaine. Ils considèrent comme primordial le flot d’émotions (« émotioning », dans leurs écrits en anglais) qui traverse notre vie quotidienne. Et parmi toutes les émotions, celle qui a fait de nous une espèce « parlante » (« languaging beings ») est ce qu’ils appellent tout simplement « l’amour ». Un mot utilisé à toutes les sauces mais qui réfère ici aux origines évolutives de cette émotion prédisposant à la confiance et à l’acceptation de l’autre.

L’amour ainsi définie serait à la base même des rapports sociaux entre les humains, puisque sans acceptation des autres à nos côtés, il n’y a pas de processus social, et donc pas d’humanité.

Un sujet impossible à conclure, disais-je, parce que la science reste muette devant l’absurdité de la mort d’un être humain (même si elle peut dire pourquoi, biologiquement et évolutivement, on meurt). Mais la science peut nous dire deux ou trois choses qui font du bien pour vivre, il me semble.

i_lien E.O. Wilson and « The Meaning of Human Existence »
i_lien L’infiniment grand: un univers de nombres astronomiques!
i_lien Les trois infinis : le petit, le grand et le complexe

Au coeur de la mémoire | Comments Closed


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