lundi, 27 mai 2013
Créativité et cognition
Qu’est-ce que la créativité humaine ? Quel rôle a-t-elle joué dans l’évolution de notre espèce ? Quels circuits cérébraux sont impliqués dans le processus créatif ? La création artistique, scientifique et technique sont-elles ancrées dans les même processus cognitifs ? Voilà des questions fort intrigantes qui seront abordées dans le cadre de « Cognitio 2013 » qui se tiendra à Montréal les 26, 27 et 28 juin prochains (voir le premier lien ci-bas).
Ce colloque de jeunes chercheur.e.s en sciences cognitives, intitulé cette année « Esprits créatifs : origines cognitives de l’art et de la découverte », est organisé par l’Institut des Sciences Cognitives de l’Université du Québec à Montréal. Il vise donc à explorer la nature cognitive de la créativité, si l’on peut la contrôler, la stimuler, l’entraîner, si elle est davantage régie par des processus inconscients et aléatoires, ou s’il s’agit d’un subtil équilibre entre les deux.
L’un des conférenciers invités au colloque sera l’archéologue Steven Mithen, auteurs de nombreux ouvrages sur l’hominisation et le développement subséquent de l’agriculture. C’est aussi celui qui a popularisé l’expression « fluidité cognitive » (« cognitive fluidity », en anglais), pour décrire la combinatoire particulièrement créative de nos processus cognitifs qui a permis l’émergence de l’intelligence humaine, si riche en métaphores et en analogies de toutes sortes.
Mithen abordera donc la question des origines évolutives de la créativité humaine et ses relations avec d’autres caractéristiques uniques de notre espèce comme le langage ou notre cerveau particulièrement volumineux. Car depuis deux millions d’années, plusieurs espèces du genre Homo ont vu le jour (H. habilis, H. ergaster, H. heidelbergensis, H. neanderthalensis, etc.) et pourtant, seul Homo sapiens, qui a évolué depuis à peine 200 000 ans, a survécu. Y aurait-il un lien entre ce succès évolutif et son esprit particulièrement créatif ? Voilà une grande question qu’abordera Mithen lors de cette conférence.
Parlant de liens, certains considèrent d’ailleurs que ce sont les connexions que l’on peut faire entre des éléments apparemment disjoints qui sont la clé de la créativité. C’est le cas du paléontologue Stephen Jay Gould, qui nous a quittés il y a onze ans la semaine dernière. Gould disait que son talent était de faire des connexions, de reconnaître des patterns récurrents, et que c’est pour cette raison que ses essais avaient du succès selon lui.
Ce commentaire et bien d’autres sur la créativité proviennent d’un livre publié en 1991 par Denise Shekerjian et intitulé « Uncommon Genius: How Great Ideas Are Born”, porté à notre attention par la blogueuse Maria Popova du site Brain Pickings. Shekerjian cite d’ailleurs Gould en exemple d’un pattern qu’elle dit elle-même avoir reconnu chez les gens créatifs : le fait qu’ils ont su identifier chez eux un talent particulier (la propension à faire des liens, dans le cas de Gould) et qu’ils se sont ensuite astreints à une discipline quotidienne pour le développer. Le truc, écrit Shekerjian, c’est de reconnaître cette particularité individuelle, de l’honorer et de travailler avec et non contre elle. C’est de là que partirait la créativité d’un individu.
Cela me rappelle une citation dont je n’ai jamais pu me souvenir de la source (si jamais quelqu’un la connaît, je suis preneur !) : « Ce que l’on me reproche d’être trop, je me reproche généralement de ne l’être pas assez… ».
Esprits créatifs : origines cognitives de l’art et de la découverte (Cognitio 2013)
Uncommon Genius : Stephen Jay Gould on Why Connections Are the Key to Creativity
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