lundi, 18 mars 2013
Nos sentiments pourraient se passer de l’insula
L’insula est une partie du cortex cérébral dont la position en repli à l’intérieur des circonvolutions cérébrales la rend moins accessible. Voilà pourquoi elle est restée méconnue pendant longtemps, jusqu’à ce que des neurobiologistes comme Antonio Damasio mettent en évidence son rôle dans nombre de nos sentiments. Très branchée sur nos réactions viscérales, elle était parfaitement positionnée pour nous faire prendre consciences de ces bouleversements corporels internes associés à la moindre de nos émotions.
Or voilà que le même Damasio vient de publier un article dans la revue Nature Neuroscience où il relativise la contribution de l’insula dans la genèse de nos sentiments. Il rappelle plusieurs observations qui ne sont pas très compatibles avec la thèse forte voulant que l’insula soit la plateforme essentielle de nos émotions et, par extension, de la conscience humaine qui s’élabore à partir de celles-ci.
Il rappelle d’abord que ce sont les nombreux noyaux de neurones de la partie supérieure du tronc cérébral qui reçoivent d’abord l’information en provenance du corps. Ces noyaux pouvant produire des représentations déjà élaborées de multiples paramètres de nos états corporels, leur contribution à nos sentiments ne peut pas être minimisée a priori.
Il pointe ensuite vers différents cas où l’insula est absente ou détruite, que ce soit les enfants qui naissent sans cortex cérébral ou des victimes d’encéphalites particulièrement dévastatrices. Or dans la plupart de ces cas, les gens conservent une riche palette d’états émotionnels.
D’où il conclut que la génération de nos sentiments doit forcément faire aussi appel au tronc cérébral et possiblement à nos cortex somatosensoriels SI et SII du lobe pariétal, des structures généralement épargnées chez les sujets à l’insula détruite qui conservent une riche vie émotionnelle.
Considérant d’autres sujets ayant subi des lésions corticales n’ayant pas affecté leur ressenti émotionnel, Damasio va même inclure une structure comme l’hypothalamus comme jouant probablement un rôle central dans la génération de nos sentiments, insistant ainsi sur les valeurs de survie évolutivement associées à la moindre émotion. Le substrat neuronal de nos sentiments les plus sophistiqués, de la compassion au dégoût en passant par le bonheur et la tristesse, pourrait s’enraciner dans des structures cérébrales présentes bien avant l’apparition des cortex cérébraux qui nous permettent aujourd’hui d’en faire d’exaltants ou de déchirants poèmes…
Is the insula necessary for our feelings? If not, where are they?
The nature of feelings: evolutionary and neurobiological origins
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