lundi, 4 juin 2012
Cartographier tous les circuits du cerveau de la souris
Dans un article publié il y a près de 20 ans dans la revue Nature, Francis Crick et Ted Jones notaient qu’après un siècle d’étude des voies nerveuses dans le cerveau humain, on connaissait encore très peu de choses de leur architecture. Et ils ajoutaient que notre compréhension du fonctionnement du cerveau (ou de ses ratés) ne dépasserait jamais ses balbutiements actuels tant que nous n’aurons pas une cartographie complète de ses circuits.
Les neurobiologistes du Cold Spring Harbor Laboratory, aux États-Unis, viennent de franchir un pas important dans cette direction en rendant publics les premiers 500 térabits de données associés à leur projet de cartographie de l’ensemble des voies nerveuses du cerveau de souris. Un projet ambitieux rendu possible par les bas coûts et les grandes capacités de stockage des ordinateurs d’aujourd’hui. Et simplement impensable il y a une dizaine d’années à peine.
Quelles sont ces données si nombreuses ? Essentiellement des images (de près d’un milliard de pixels chacune) de fines tranches de 20 microns d’épaisseur du cerveau de la souris (ce qui donne environ 500 images par cerveau). La définition de ces images (disponibles sur le site du “Mouse Brain Architecture Project”, le deuxième lien ci-bas) est telle qu’on peut zoomer à l’intérieur jusqu’au niveau des neurones et de leurs prolongements qui forment les voies nerveuses.
En parcourant les tranches adjacentes de ce « microscope virtuel », on peut donc reconstituer le parcours des axones des neurones ayant reçu le colorant. Ces substances colorantes sont des virus atténués ainsi que des substances couramment utilisées pour l’identification des voies nerveuses, ce qui permet de confirmer réciproquement les tracés obtenus. Ce qui distingue cette entreprise toutefois, c’est le caractère systématique des points d’injection des colorants, c’est-à-dire une grille de points également répartis sur l’ensemble du cerveau de la souris.
Et surtout, l’échelle à laquelle cette cartographie est appliquée, l’échelle « mésoscopique », telle que l’avait déjà présenté Partha P. Mitra, le directeur du projet, dans un article scientifique publié en 2009. Il s’agit d’une échelle plus fine que celle que l’on peut obtenir avec l’imagerie cérébrale, mais allant moins dans le détail que la microscopie électronique, capable de montrer le détail des synapses, mais applicable sur des cerveaux entiers que pour de très petits cerveaux, comme celui de la mouche à fruits.
Ces scientifiques sont convaincus que c’est à cette échelle qu’ils pourront établir une carte des voies nerveuses qui sera essentiellement la même pour différents individus, parce que probablement déterminée génétiquement pour une espèce donnée. Le projet piloté par le Dr Mitra est d’ailleurs inspiré par le Allen Brain Atlas, un effort de cartographie de l’expression des gènes dans le cerveau de la souris.
Signalons enfin que les données du Mouse Brain Architecture Project publiées le 1er juin dernier seront suivies par d’autres qui viendront s’ajouter chaque mois. Tout cela dans l’esprit de plus en plus répandu de “l’open science” déjà populaire en astronomie ou encore, au niveau de la vulgarisation scientifique, avec la philosophie du Copyleft comme celle du Cerveau à tous les niveaux !
Neuroscientists Reach Major Milestone in Whole-Brain Circuit Mapping Project
The Mouse Brain Architecture Project
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