lundi, 19 mars 2012
Le réseau cérébral du mode par défaut
Que fait notre cerveau quand il ne fait rien ? Cette question, qui peut sembler sans intérêt et qu’il l’a longtemps été pour la majorité des spécialistes du cerveau est devenue, depuis une dizaine d’années, l’un des champs de recherche les plus intrigants et fascinants des neurosciences : celui sur le réseau cérébral du mode par défaut.
Il s’agit d’un ensemble de régions cérébrales interconnectées parfois sur de grandes distances (à l’échelle du cerveau) qui sont activées préférentiellement lorsqu’un individu n’effectue aucune tâche précise. On ne sait pas encore à quoi sert exactement cette activité mentale par défaut. Mais les régions impliquées dans ce circuit sont déjà connues pour être plus actives quand notre esprit vagabonde (quand on est « dans la lune »), lorsqu’on évoque des souvenirs personnels, qu’on essaie de se projeter dans des scénarios futurs ou de comprendre le point de vue des autres.
Ces régions comprennent des parties du lobe temporal médial, du cortex préfrontal médial, du cortex cingulaire postérieur, du précunéus et d’autres régions avoisinantes du cortex pariétal (cliquez ici pour agrandir l’image ci-haut). De plus, le réseau du mode par défaut semble beaucoup moins développé chez l’enfant en bas de 10-12 ans, suggérant qu’il est sujet à une maturation développementale importante.
Historiquement, la possibilité qu’un tel réseau soit actif par défaut dans le cerveau remonte à un vieux débat qui date d’au moins la fin des années 1920, alors que Hans Berger, l’inventeur de l’électroencéphalogramme (EEG) démontrait à quel point notre cerveau possédait une activité intrinsèque importante et comment il était loin d’être inactif même lorsqu’il n’était pas stimulé par son environnement.
À cette activité cérébrale spontanée qui ne serait que modifiée par des stimuli extérieurs (déjà défendue par Graham Brown en 1914), d’autres ont opposé une conception du cerveau comme un organe qui réagit aux tâches ou aux problèmes que lui pose le monde extérieur (la vision proposée par Sherrington dès 1906). Cette façon de considérer le cerveau comme une machine passive qui traite simplement l’information qui lui parvient allait ensuite être accréditée par l’approche computationnelle dominante des sciences cognitives. Et toute l’imagerie cérébrale depuis ses débuts est basée sur cette idée que c’est en effectuant une tâche donnée qu’on active certaines régions du cerveau.
Mais vers la fin des années 1990, plusieurs études comme celles du laboratoire de Marcus E. Raichle sont toutefois venues remettre en question cette conception cognitiviste classique au profit d’une approche plus dynamique du cerveau où c’est l’activité intrinsèque de nos circuits neuronaux qui semble être primordiale.
Raichle et d’autres équipes ont montré par exemple que le cerveau (qui ne représente que 2% du poids du corps) brûle constamment 20% de toute l’énergie que l’on consomme, et que cette consommation d’énergie subit une augmentation remarquablement faible (moins de 5%) durant une tâche spécifique.
Un peu comme les généticiens qui avaient d’abord qualifié de « junk DNA » (ADN poubelle) le matériel génétique sans fonction connue (mais dont on découvre de plus en plus l’importance), une compréhension globale du cerveau doit dorénavant prendre en compte non seulement l’activité cérébrale évoquée par un stimulus, mais celle du réseau par défaut qui la précédait.
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