lundi, 14 novembre 2011
« Je l’ai sur le bout de la langue… »
Avoir un mot « sur le bout de la langue » est une sensation aussi familière que frustrante. Le mot est là, pas loin, on le sent, on sait qu’on le sait, mais on est incapable de le retrouver ! Pire, c’est bien souvent un autre mot, dont on sait pertinemment qu’il n’est pas le bon, qui nous vient à sa place et fait écran au premier.
On estime que cela nous arrive au moins une fois par semaine, et davantage quand on vieillit. Et l’on sait que plus de neuf fois sur dix, on finira par retrouver le bon mot, bien que souvent de manière inattendue. On sait aussi qu’il s’agit d’un exemple de ce que l’on appelle la… la m… vous savez, le fait de pouvoir porter des jugements sur ses propres processus de pensée… La métempsychose ? Non. Le métencéphale ? Non plus. Ah oui, la métacognition !
C’est d’ailleurs l’aspect qui fascine dans ce phénomène : qu’on ne se souvienne pas d’une information, mais qu’on ait en même temps la forte conviction qu’on la connaît. Longtemps ignorée par les scientifiques parce que trop abstraite, la métacognition est maintenant étudiée grâce à des protocoles expérimentaux, notamment en imagerie cérébrale, explorant par exemple ce qui se passe dans notre cerveau quand on a un mot sur le bout de la langue.
Et plus on étudie notre mémoire par cette avenue, plus on se rend compte des limites du vieux modèle voulant que notre conscience ait un accès direct à son contenu inconscient, lequel serait bien classé comme dans une bibliothèque et récupérable à loisir. Au contraire, nos souvenirs semblent stockés en pièces détachées, les visages à un endroit, la sonorité des noms à un autre, leur orthographe à un troisième.
Attrapper un bout de ce que l’on cherche ne nous donne donc pas toujours l’entièreté de la chose. Mais à force de trouver différents aspects du mot recherché (et donc en activant probablement de plus en plus de régions de la vaste assemblée neuronale correspondant à celui-ci), on se convainc d’abord qu’on le connaît, puis on finit par le trouver. Et l’on retrouve l’illusion rassurante d’un souvenir unifié…
What’s that name?
Je l’ai sur le bout de la langue !
Introspection et métacognition : les mécanismes de la connaissance de soi
Au coeur de la mémoire, De la pensée au langage | Comments Closed