lundi, 9 mai 2011
Conflits socio-politiques et imagerie cérébrale
Jusqu’au début des années 2000, les techniques d’imagerie cérébrale ont surtout été utilisées pour confirmer l’implication de structures cérébrales déjà associées à des fonctions bien documentées (mouvement, vision, langage, etc.). Par la suite, ces techniques non invasives gagnant en accessibilité, d’autres fonctions plus complexes ont été explorées.
De la compassion à l’amour, en passant par la méditation ou le plaisir intellectuel, on a ainsi découvert de nombreux circuits neuronaux spécifiques à différentes fonctions supérieures. Récemment, on a même démontré que le biais négatif qu’entretenaient des Arabes et des Israéliens les uns envers les autres était corrélé avec l’activité de leur précunéus (PC sur l’image ci-haut), une régions du cortex pariétal !
Cette expérience d’imagerie cérébrale fut publiée il y a un an par Emile Bruneau et Rebecca Saxe, du MIT, à Boston. Les travaux du laboratoire de Rebecca Saxe portent sur la « théorie de l’esprit », autrement dit l’habileté qu’ont les humains de penser à leurs pensées. Et en particulier, de faire des hypotèses sur les la pensée des autres, sur leurs intentions, leurs motivations, leurs croyances.
Comme pour d’autres fonctions mentales complexes, plusieurs structures cérébrales s’activent préférentiellement quand on « théorise » sur ce que pensent les autres : une région corticale à la jonction du lobe temporal et pariétal, le sulcus temporal supérieur droit, le pole temporal, le précunéus, le cortex cingulaire postérieur et le cortex préfrontal médial.
Les contributions fonctionnelles de chacune de ces régions sont évidemment encore débattues. Mais les travaux de Rebecca Saxe l’amène à proposer que la jonction temporo-pariétale droite de notre cortex aurait un rôle essentiel à jouer dans les réflexions sur nos pensées.
En ce qui concerne l’étude sur la perception mutuelle des Arabes et les Israéliens, l’apport du précunéus semble aussi déterminant. Notons que les sujets de ces deux groupes ethniques, marqués par un conflit historique ponctués de violences de d’injustices, devaient évaluer le caractère « raisonnable » de phrases sur le Moyen-Orient formulées selon leur point de vue ainsi que selon le point de vue de l’autre groupe.
Évidemment, le biais négatif envers le groupe ethnique rival généré par des décennies de conflit était de plus en plus apparent plus la phrase était favorable à l’autre groupe. Mais une observation assez étonnante fut de constater qu’une région cérébrale particulière, le précunéus, était d’autant plus active que la phrase générait un désaccord important. D’autres structures cérébrales associées à des situations générales émotionnellement chargées ne montraient pas cette corrélation particulière. Il s’agirait donc d’une première étude d’imagerie démontrant une activité cérébrale spécifique associée aux membres de groupes humains en conflit.
Saxelab : Social Cognitive Neuroscience Laboratory
Attitudes towards the outgroup are predicted by activity in the precuneus in Arabs and Israelis
The right temporo-parietal junction: a specific brain region for thinking about thoughts
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