lundi, 28 mars 2011
Synchroniser nos neurones pour syntoniser notre pensée ?
Comme le pendule d’une horloge oscille pour marquer le temps, nos réseaux de neurones oscillent ensemble pour faciliter l’encodage de certains souvenirs. C’est du moins l’une des fonctions que l’on attribue à ce phénomène grandement préservé au cours de l’évolution dans le règne animal. D’où l’intérêt croissant pour ces oscillations neuronales qui rendent possible un codage temporel de l’information. Un outil précieux qui s’ajoute aux nombreuses représentations spatiales du corps et du monde extérieur dans le cerveau.
De nombreuses données montrent par exemple que lorsqu’un neurone émet des potentiels d’action selon un certain rythme, et qu’il synchronise dans le temps ce rythme avec celui d’autres neurones, il se produit un couplage (ou « binding », en anglais) qui pourrait par exemple influencer la perception des stimuli sensoriels ou encore lier temporairement des assemblées de neurones travaillant en parallèle dans le cerveau pour représenter les différents attributs d’un objet ou d’une image mentale. Ces oscillations observées spontanément dans les réseaux de neurones émergent de l’interaction dynamique entre les propriétés membranaires intrinsèques des neurones et l’architecture des circuits impliqués (voir aussi cet autre billet).
Ce sont de tels circuits de neurones situés dans l’hippocampe de rat que Laura Colgin a utilisé pour démontrer que deux fréquences différentes d’oscillation pouvaient servir à sélectionner alternativement deux types d’information : de l’information sur la position actuelle de l’animal, associée à l’activité du cortex entorhinal; et de l’information sur le stockage de cette information spatiale, associée à l’activité de la région CA3 de l’hippocampe.
L’étude de Colgin, publiée en novembre 2009 dans la revue Nature, montre en effet que les oscillations de fréquence Gamma rapides (65-140 Hz) enregistrées dans la région CA1 de l’hippocampe sont synchrones avec les mêmes oscillations Gamma rapides du cortex entorhinal. Et de même, les oscillations Gamma lentes (25-50 Hz) enregistrées toujours dans la région CA1 de l’hippocampe sont pour leur part synchrones avec les oscillations Gamma lentes de l’aire CA3 de l’hippocampe.
L’auteure conclut que les synchronisations observées appuient l’idée que les différentes fréquences des oscillations Gamma seraient, à l’image des différentes fréquences d’un poste de radio, un moyen qu’utilise le cerveau pour syntoniser tantôt un vieux souvenir (fréquences basses de 25-50 Hz), tantôt de l’information pertinente sur ce qui se passe actuellement (fréquences élevées de 65-140 Hz).
Si ce « syntonisateur Gamma » s’avère un principe général de nos réseaux de neurones leur permettant d’alterner entre différents « canaux » plusieurs fois par seconde, cela s’accorderait en tout cas très bien avec les fluctuations rapides de notre pensée.
How the Brain Filters out Distracting Thoughts to Focus on a Single Bit of Information
Frequency of gamma oscillations routes flow of information in the hippocampus
Neuronal Oscillations in Cortical Networks
Au coeur de la mémoire, L'émergence de la conscience | Comments Closed