lundi, 7 février 2011
Cognition et émotions incarnées
Des expressions comme recevoir un « accueil chaleureux » ou être « en froid avec quelqu’un » semblent avoir leurs racines au plus profond de notre chair. C’est en tout cas ce que démontrent de plus en plus d’études sur la « cognition incarnée », un champ de recherche défriché dans les années 1990 par des chercheurs comme Francisco Varela*.
Vous devez évaluer quelqu’un à partir d’une brève description écrite ? Vous le décrirez comme ayant une personnalité plus aimable et amicale si vous faites l’évaluation en tenant une tasse de thé chaude que si vous la faites avec du thé glacé. Vous vous rappelez une situation où vous avez été exclu d’un groupe ? Vous évaluerez la température de la pièce dans laquelle vous vous trouvez environ 5 degrés Celsius plus froide que ceux qui se souviennent d’un moment où ils ont été acceptés socialement.
Et cela ne s’observe pas seulement pour la température. Vous aurez ainsi tendance à accorder plus d’importance à certains enjeux si le cartable où sont les feuilles de votre questionnaire a été alourdi par rapport à celui de vos collègues.
Cette rétroaction de l’état des contractions de certains muscles sur le cerveau n’affecte pas que le jugement, elle influence grandement aussi les émotions. On sait que, par exemple, le fait de bloquer certains muscles du front avec du Botox pour en diminuer les rides entraîne une diminution des expressions faciales et par le fait même des perturbations dans l’expression des émotions. Mais ce qu’on a récemment découvert, c’est que cette paralysie des muscles ralentit aussi la compréhension d’émotions comme la colère ou la tristesse. L’explication résiderait dans la perturbation de la contraction inconsciente de ces muscles du front qui survient naturellement quand on ressent de telles émotions négatives.
On aura sûrement l’occasion de reparler de ces études sur ce blogue, notamment du rôle qu’y joue une structure cérébrale appelée insula, car le champ de recherche de la cognition incarnée est de plus en plus actif. D’ailleurs, en écrivant cette dernière phrase, mon corps penche probablement de quelques millimètres en avant, car je parle du futur. Alors qu’en écrivant le premier paragraphe de ce billet sur les travaux passés des années 1990, il devait pencher légèrement par en arrière. C’est en tout cas ce qu’ont observé Lynden K. Miles et ses collègues dans l’une des études décrites dans l’article « Abstract Thoughts? The Body Takes Them Literally », dont le lien figure ci-bas !
Abstract Thoughts? The Body Takes Them Literally
Temperature and social proximity
Trust and Temperature
Le botox rend-il idiot ?
Hello Botox, Bye-Bye Sadness—But Not for the Reasons You Think
David A. Havas
Paula M. Niedenthal
* Parlant de Varela, il sera l’un des quatre neurobiologistes qui ont marqué le XXe siècle dont on suivra le parcours multidisciplinaire durant l’activité « Parlons cerveau », offerte par l’UPop Montréal à compter du 15 février 2011. Les questions soulevées seront examinées en parcourant Le cerveau à tous les niveaux.
L'émergence de la conscience, Que d'émotions! | Comments Closed