lundi, 31 mars 2025
Tisser des liens entre connaissances et actions sociales
Ce blogue a longtemps été dédié à la vulgarisation d’articles scientifiques dans le domaine des neurosciences et des sciences cognitives en général. Durant les quatre ans d’écriture de mon livre, j’avais cependant moins de temps et j’y ai publié parfois autre chose, comme le journal de bord de Notre cerveau à tous les niveaux, qui me permettait d’y transmettre des notions sur lesquelles j’étais déjà en train de travailler, d’où un peu de temps sauvé. Depuis la publication de l’ouvrage en octobre dernier, mes interventions publiques et conférences de toutes sortes se sont diversifiées, si bien que je me retrouve souvent le lundi matin à faire ici toutes sortes d’annonces reliées à mes activités qui ne sont pas directement de la vulgarisation d’articles scientifiques. Et là j’ai souvent un petit sentiment de culpabilité, comme si « je ne faisais plus ma job », par rapport à l’actualité des neurosciences telle que je la pratiquais de 2010 à 2020. Mais de plus en plus je me dis qu’il y a une autre façon de voir ça, et c’est ce dont je voudrais vous parler aujourd’hui.
Des articles scientifiques, j’en ai lu (« en ostie », aurait dit Yvon ! Les 2 800 références de mon livre n’en constituant qu’une partie…) et je vais continuer d’en lire vu que la science n’arrête jamais, par définition. Par ailleurs je me suis rendu compte à force de parler aux gens de leur cerveau que non seulement la population en général le connaît très peu (ce qui est assez scandaleux, quand on y pense) mais que les liens à faire entre son fonctionnement et le monde dans lequel nous vivons deviennent jour après jour plus importants et plus pressants que jamais. Et que ça, on en parle aussi trop peu (ce qui est tout aussi scandaleux, sinon plus). D’où la pertinence par exemple d’un organisme comme Projet Collectif au Québec, avec plusieurs de ses publications qui vont en ce sens (par exemple celle où j’ai piqué la belle image en haut de ce billet…).
Par conséquent, que je me serve de mon côté de ce blogue pour parler de divers événements publics où des gens se rassemblent en personne pour qu’on tisse ensemble des liens entre ce qui donnent du sens à nos vies et nous suggère des voies d’action, je ne pense pas par les temps qui courent que ce soit moins utile que la contribution de la potentialisation à long terme des neurones de la région CA3 de l’hippocampe dans la théorie contemporaine de l’engramme mnésique… J’exagère intentionnellement ici le côté « pointu » que peut avoir une discipline scientifique. Et comprendre les mécanismes intimes de notre mémoire ne peut sans doute pas nuire à la compréhension ce qui nous anime, individuellement et collectivement. Mais l’idée d’élargir la réflexion sur « le fait humain » jusqu’à l’action sociale m’apparaît plus urgent que jamais à l’heure où l’on ne parle plus de la montée du fascisme à nos frontières mais à sa présence effective et décomplexée.
Tout ça pour dire qu’on a eu un bien beau premier club de lecture de Notre cerveau à tous les niveaux mardi dernier où presqu’une cinquantaine de personnes sont venues se questionner ensemble sur « le connais-toi toi-même » de Socrate à l’heure des sciences cognitives. Cette activité peut vous sembler un peu dérisoire par rapport à la catastrophe sociale évoquée à la phrase précédente. Mais pour moi c’en est très exactement le meilleur antidote. L’un des beaux commentaires que j’ai reçu suite à la soirée c’est quelqu’un qui m’a écrit (Pierre Poirier pour ne pas le nommer…) qu’il avait l’impression « qu’on était dans une version contemporaine des rassemblements humains autour d’un feu avec un conteur qui nous raconte l’histoire de notre tribu » ! Retisser les liens entre les membres de cette tribu, qui ont été brisés depuis des décennies à grands coups d’austérité dans le filet social et de cadeaux aux oligarques d’aujourd’hui, voilà en effet quelque chose qu’on doit faire en priorité. Et la beauté de la chose, c’est que ça peut se faire en partageant des connaissances et en ayant du fun en même temps, comme dans l’ambiance conviviale des cours de l’UPop Montréal.
Le pdf du Power Point présenté lors de cette première rencontre a été mis comme promis sur la page du club de lecture du site web de l’UPop. Et l’enregistrement suivra dans quelques temps dans la section Audio du même site. La 2e rencontre du club de lecture qui s’intitulera donc comme dans le livre « De la « poussière d’étoile » à la vie : l’évolution qui fait qu’on est ici aujourd’hui » aura lieu mardi le 22 avril prochain à 19h au café La place commune, 7669 avenue Querbes, à Montréal (métro du Parc).
Je voulais en terminant vous parler de deux livres dont les objectifs recoupent grandement ceux du mien et l’idée générale du billet d’aujourd’hui. Le premier va être lancé ce mercredi à 17h à la librairie Un livre à soi, 1575 avenue Laurier Est, à Montréal. Il est édité par la meilleure maison d’édition au monde (la même que la mienne, Écosociété, évidemment…) et le lancement aura lieu à l’endroit même où nous irons pour la 3e rencontre de notre club de lecture, le 20 mai prochain ! Comme si ce n’était pas encore assez tissé serré, l’aperçu du premier essai de la docteure Claudel Pétrin-Desrosiers, « Santé planétaire – Prescriptions médicales pour un environnement sain! » se retrouvera sans doute dans les références de la 12e rencontre de mon livre tellement il va dans la même direction.
Je terminer avec un extrait de cet aperçu, et vous parlerai de l’autre livre la semaine prochaine, car ce billet se fait déjà long et je vais vouloir continuer à tisser ici des liens entre connaissances et actions sociales.
« « L’un des sentiments que j’ai appris à détester le plus, comme médecin, c’est de savoir que je ne peux pas offrir au patient devant moi ce qui ferait réellement une différence pour lui : un environnement sain. » Voilà le constat qui s’impose à la Dre Claudel Pétrin-Desrosiers lorsqu’elle pratique dans certains quartiers défavorisés de Montréal. Et cette limite de la médecine clinique lui rappelle constamment les défis posés par la triple crise écologique actuelle que sont les changements climatiques, la pollution atmosphérique et le déclin de la biodiversité. En effet, quand on sait que le système de santé est responsable d’à peine 20 à 25% de l’état de santé d’une population donnée, il devient crucial de s’intéresser aux autres facteurs qui entrent en jeu, à commencer par l’environnement.
Avec fougue et rigueur, la Dre Pétrin-Desrosiers défend l’approche de la santé planétaire, une démarche scientifique transdisciplinaire selon laquelle notre santé est indissociable de celle des écosystèmes et du monde vivant. […]
Verdissement urbain, exposition à la nature, réduction de notre dépendance aux énergies fossiles, transports actifs et communs, modification de nos régimes alimentaires… Les solutions qu’elle préconise nous libèrent également d’une vision strictement curative et individualiste de la santé. »
Du simple au complexe | Pas de commentaires