lundi, 24 février 2025
« Pourquoi j’ai écrit ce livre », un entretien dans le magazine de l’Acfas
Fin janvier dernier, j’ai rencontré Johanne Lebel, rédactrice en chef du magazine de l’Acfas, qui voulait savoir « Pourquoi j’ai écrit ce livre », une chronique où chercheuses et chercheurs sont invités à présenter leurs ouvrages. Sa curiosité et la pertinence de ses questions ont donné lieu à un échange fourni qui a profité d’un travail d’édition pour donner, il me semble, l’excellent entretien publié le 12 février dernier que je vous présente aujourd’hui. Tout étant disponible en suivant le lien précédent, je me contenterai de recopier ici le paragraphe de présentation du livre écrit par Johanne Lebel :
Raconté sous forme de dialogue, ce livre est à la fois « une monographie sur le cerveau et un récit sur les origines de la pensée » [p.4]. C’est aussi un ouvrage de vulgarisation ambitieux dans sa visée de saisir la complexité de la nature humaine, et rigoureux dans ses descriptions des avancées scientifiques. Il s’appuie sur une recherche dont les références mises en ligne permettent au lecteur d’y poursuivre leur parcours. Pour leur part, les quelque 105 illustrations de Rémy Guenin offrent une pointe d’humour qui complète agréablement les plus de 200 schémas techniques et photos du bouquin. S’ajoutent à la qualité de l’ouvrage, une table des matières détaillée, et des index très fournis de termes et de personnes clés. Bref, une somme qui s’appuie sur près de 30 ans de pratique en vulgarisation sur le cerveau et son monde.
Et tant qu’à y être, deux extraits de ma réponse à cette question cruciale qu’elle m’a posée vers la fin : « Parlant des savoirs qui s’accumulent, quelles sont les dernières avancées en neurosciences et comment ont-elles marqué ton ouvrage? »
Il y a d’abord l’approche du cerveau prédictif qui a opéré un véritable renversement depuis une quinzaine d’années. On sait maintenant que le principal flux d’informations va de notre cerveau vers le dehors, vers l’environnement. On projette sur le monde ce qu’on s’attend à y voir. On analyse à partir de nos expériences, nos catégories, nos préjugés, bref de nos différents modèles du monde sans cesse en évolution. Ce qui monte de l’extérieur en nous, c’est simplement la surprise, l’écart ou l’erreur par rapport à la prédiction.
[L’autre grande avancée] c’est la dimension incarnée et située de la conscience, embodied and embedded cognition. Francisco Varela – s’il y a un seul nom à donner – et son collègue Evan Thompson ont vraiment mis le spotlight sur l’unité entre cerveau, corps et environnement. Le cerveau n’a pas évolué dans le vide, mais toujours dans un corps qui pose certaines contraintes, lui-même situé dans un environnement, un contexte, qui nous pénètre à notre insu, beaucoup plus qu’on ne le pense, pour influencer notre pensée. Toute la recherche en sciences cognitives est maintenant compatible avec cette vision incarnée et située de la cognition. Le cerveau humain ne peut se détacher de la sensorimotricité, et le piège, c’est que nous sommes tellement bons dans l’abstraction que permet le langage qu’on finit par penser que nos idées existent hors du corps, hors de nos émotions, hors de nos relations aux autres, et, de ce fait, de se croire beaucoup plus objectif et rationnel que nous le sommes.
Du simple au complexe | Pas de commentaires