lundi, 9 décembre 2024
Une espèce construite sur son interdépendance avec les autres : la nôtre !
Je vous présente aujourd’hui un autre « fun fact » tiré de « Notre cerveau à tous les niveaux. Du Big Bang à la conscience sociale », une série introduite par mon éditeur Écosociété en août dernier pour donner un aperçu des nombreux sujets traités dans le livre. Et pour ça, on peut partir de l’exemple que je donnais ici la semaine dernière avec le caribou pour parler de l’interdépendance d’un organisme avec l’ensemble de l’écosystème dans lequel il vit. Or chez l’humain, la part de notre écosystème qui a le plus d’importance pour nous est certainement… les autres êtres humains qui s’y trouvent ! Nous avons ainsi développé une forte interdépendance en découvrant très jeune la nécessité et les avantages qu’apporte la coopération entre nous. Pour s’en convaincre, il faut voir les vidéos du psychologue Michael Tomasello pour constater à quel point les enfants humains sont naturellement enclins à aider et à s’entraider.
Et l’on n’observe pas ce phénomène qui se manifeste dans notre espèce de façon si régulière ou élaborée chez les autres primates. Mis dans une situation similaire, ils montrent une certaine capacité à travailler ensemble, mais choisissent bien souvent de ne pas le faire. C’est pour ça qu’il semble bien plus probable que nous soyons avant tout des animaux « aimants » et coopérants, mais qui auraient progressivement valorisé une culture de compétition et d’agression plutôt que l’inverse.
Cela va à l’encontre de tout ce que nous disent les économistes orthodoxes sur le fait que l’homme est fondamentalement un loup pour l’homme, que chaque agent économique cherche constamment à optimiser sa petite fortune personnelle, que hors de la compétition point de salut. Parce que d’un point de vue évolutif, des êtres dont la nature biologique fondamentale serait la compétition, donc le déni de l’autre, mais qui seraient capables d’aimer occasionnellement, ça ne tient pas la route. Ça n’aurait simplement pas été propice à l’émergence du tissu social humain tel qu’on le connaît, avec l’extrême interdépendance entre des individus qui coopèrent de diverses façons à longueur de journée.
Et c’est pour ça que Humberto Maturana et Francisco Varela disaient que tout ce qui sape l’acceptation des autres, depuis la compétition jusqu’aux certitudes de posséder la vérité, fragilise le processus social parce qu’il sape le processus biologique même qui l’engendre. Qu’est-ce que ça nous dit alors sur ce qu’on appelle la « polarisation » des discours, amplifiés par le phénomène des « chambre d’écho » des médias sociaux ? Je vous laisse apprécié le problème plutôt évident à la lumière de ce qu’on vient d’évoquer…
J’entends cependant aussi l’ami Yvon nous mettre en garde contre la crainte de toute position « radicale » dans le débat public, en particulier celles pour plus de justice sociale et d’équité. Je l’entends même s’approprier certaines notions du livre, entre autres notre grande plasticité cérébrale, pour rappeler que malgré notre tendance naturelle à la coopération, on ne devient pas le même être humain si on est laissé à nous-même dans une société individualiste où le bonheur est associé depuis tout jeune à notre pouvoir d’achat, à notre capacité d’être compétitif et « flexible », que si on évolue dans une communauté où l’entraide, la coopération, l’autogestion et la proximité avec le reste du monde naturel est mis de l’avant de différentes manières.
Et cette seconde « façon d’être », on découvre qu’elle a été le cas d’une majorité de groupes humains dans l’histoire de notre lignée (comme l’indiquent de nombreuses recherches abordées dans mon livre, p.509 et suivantes), ce qui remet en question énormément de chose du système économique actuel (que j’entends Yvon nommer ici en toutes lettres, le capitalisme…) où tout est plutôt fait pour nous déposséder de nous-même, pour nous déconnecter de notre communauté et du reste du vivant.
L'émergence de la conscience, Le développement de nos facultés | Pas de commentaires