lundi, 12 avril 2021
COVID-19 : on est où, après un an, collectivement ?
[ MISE À JOUR, 14/04/2020 : Le gouvernement Legault a une fois de plus fait volte-face et assouplit ses règles concernant le port du masque à l’extérieur ! ]
Il y a exactement un an, j’écrivais ceci dans ce blogue : « Il y a deux mois à peine, bien peu de gens, en tout cas au Québec, ne se souciaient de ce coronavirus qui sévissait très loin en Asie. Et puis, il y a un mois jour pour jour, le gouvernement annonçait la fermeture de toutes les écoles du Québec pour freiner la propagation de ce qu’on appelait maintenant la COVID-19. Depuis, tout a été fermé sauf les services essentiels à cause de ces très petits êtres qui bouleversent nos vies. Ce blogue tente depuis de faire sa part pour aider à traverser au mieux ces longues semaines de confinement en attirant par exemple l’attention sur les défis qu’elles posent pour notre santé mentale et en mettant des ressources en ligne sur le cerveau. »
Et puis je suis revenu progressivement à des billets de blogue sur toutes sortes de sujets. Mais pour le reste, mes activités professionnelles, comme celle d’une majorité de gens, ont été pas mal chamboulées. Finis les cours, conférences et formations dans les écoles. Personnellement, je ne suis pas à plaindre, puisqu’avec les fonds d’urgence débloqués par le fédéral (et qui montrent comment un revenu universel de base pourrait être bénéfique pour bien du monde), j’ai pu me lancer dans la rédaction d’un livre à partir de tout ce que j’ai fait dans ce site, ce blogue et ces présentations. Un projet que je caressais depuis longtemps mais dans lequel je n’avais jamais eu le temps de me lancer. Et donc un projet qui avance, même si c’est pas facile, et long, et certainement pas prêt avant au moins un an, si c’est pas plus.
Et vous, vous en êtes où après un an ? Je sentais ce matin le besoin de prendre des nouvelles (et d’en donner un peu). Parce que c’est bien beau « apprendre à vivre avec le virus », quand on entre dans une troisième vague en un an et qu’on joue au yoyo avec les mesures sanitaires depuis des mois, faire comme si de rien n’était n’est juste plus possible. Et donc je ne vais pas faire semblant que tout est normal aujourd’hui, au lendemain du retour du couvre-feu à 20 heures qui a été pour moi et pour bien d’autres dont je me fais l’écho ici la « goutte qui a mis le feu aux poudres », puisqu’il vaut toujours mieux en rire qu’en pleurer…
Parce que rappelez-vous, le couvre-feu de François Legault était censé être un « électrochoc ». Mais un électrochoc, par définition, ça ne s’étire ni ne fluctue au gré du nombre de cas de Covid rapporté quotidiennement. Un couvre-feu n’est pas une mesure banale. Du point de vue du droit, bien sûr, parce qu’elle touche à la liberté fondamentale de circuler. Mais surtout après un an de confinement-déconfinement, télétravail ou plus de travail du tout, deuil et isolement social. Je pense aux personnes âgées, aux ados, aux personnes à faible revenus qui vivent à plusieurs dans des petits loyers et qui l’ont eu pas mal plus dur que les autres. Et surtout à tous ces gens d’un naturel peut-être un peu anxieux et qui ont complètement intériorisé l’idée que ces vagues successives de la Covid étaient en grande partie de notre faute, parce qu’on ne suivait pas assez bien les consignes sanitaires. Un message récurrent distillé sans retenue par les autorités politiques.
Pourtant à Montréal, où je vis, la très grande majorité des éclosions ont eu lieu dans les milieux de travail, les écoles et les garderies. Le couvre-feu n’a donc strictement aucun impact là-dessus. On nous dit que ce sont des mesures préventives pour éviter les rassemblements dans les résidences privées. Mais pourquoi diable ne pas appliquer autant de zèle à toutes les autres mesures préventives négligées depuis des mois par ce gouvernement sur leurs milieux de travail ou d’étude. Prenons seulement la ventilation des locaux. Ce gouvernement minimise depuis le début de la crise la transmission par aérosols, alors qu’il n’a suffi que de quelques mois à la communauté scientifique pour faire consensus là-dessus. Il retarde la mise à niveau des locaux dans les écoles et refuse l’installation de purificateurs d’air, favorisant ainsi la circulation par les enfants et ados du virus au sein de la communauté. Si c’est une question d’argent qui est derrière ces décisions, c’est vraiment inacceptable. Certains se sont aussi demandé si la volonté farouche du gouvernement de garder les enfants à l’école n’était pas motivée par la volonté de maintenir leurs parents au travail. Encore ici, je ne trouve pas d’explication alternatives évidentes…
Mises à part ces motivation douteuses, on peut aussi débattre des limites en soi de la stratégie du yoyo, celle de l’aplatissement de la courbe au gré du nombre de cas, une stratégie visant essentiellement à éviter les débordements dans les hôpitaux. Car il existe d’autres stratégies, jamais évoquées ici par les autorités, mais qui a pourtant donné des résultats étonnants ailleurs, comme en Nouvelle-Zélande ou en Australie. C’est celle qu’on a appelé Zéro-Covid : confinement total d’une durée d’un mois, traçage rapide, puis confinement de la personne infectée, quarantaine des personnes qui ont été en contact avec elle. Et surtout, aération, ventilation et purification de l’air dans les espaces publics fermés comme les écoles, les commerces et milieux de travail. C’est drastique, comme on dit, mais c’est sans doute aussi moins masochiste à la longue.
Ce qui nous ramène au couvre-feu. La semaine dernière, Alexandre Shields et Alexis Riopel colligeaient dans le journal Le Devoir un certain nombre d’études démontrant à quel point la transmission de la COVID-19 à l’extérieur est «considérablement» moins fréquente qu’à l’intérieur. En voici un extrait, avec les liens vers les études en question :
« En Irlande, les autorités de santé publique rapportent que seulement un cas de COVID-19 sur 1000 est associé à une transmission à l’extérieur. Des 232 164 infections répertoriées, 262 étaient vraisemblablement attribuables à un contact survenu à l’extérieur, selon un article du Irish Times. Par ailleurs, seulement 42 éclosions ont eu lieu dehors, dont 21 dans des chantiers de construction.
Fin février, des spécialistes américains publiaient dans le Journal of Infectious Diseases une revue de la littérature sur la transmission à l’extérieur du SRAS-CoV-2. Même si la méthodologie des études inventoriées variait beaucoup, une tendance lourde en ressortait : la transmission à l’extérieur est « considérablement » moins fréquente qu’à l’intérieur. Une étude japonaise réalisée en début de pandémie évaluait que, pour une personne infectée, les risques de transmettre le coronavirus étaient 19 fois plus grands à l’intérieur qu’à l’extérieur. »
Sans parler de celle-là publiée le 31 janvier dernier où les modèles élaborés montrent que qu’un couvre-feu à 18h dans le sud de la France peut avoir des effets opposés à ceux attendus simplement parce qu’il crée une plus forte concentration de gens dans les commerces essentiels dans les heures d’ouverture permises. On peut donc légitimement se demander, à ce point de la pandémie où l’animal social qu’est l’être humain n’en peut plus d’être isolé, en quoi réduire les heures de rencontres possibles à l’extérieur, où les risques de transmission sont minimes, est une décision avisée. Et surtout en quoi le fait de ramener le couvre-feu à 20 heures va faire en sorte que les gens qui ne respectaient pas les mesures vont les respecter davantage à présent. Au contraire, cette mesure risque peut-être même de donner le goût à d’autres d’en faire fi, n’étant simplement plus capables, après une journée de rencontres Zoom et la routine du souper et du coucher des enfants, de rester tranquille tout seul chez soi pour le reste de la soirée.
Enfin, comme l’ont souligné nombre de psychologues depuis des jours, notamment certain.es spécialistes en toxicomanies, permettre des pratiques où les risques sont extrêmement faibles demeure une bien meilleure option que la répression et la criminalisation. Espérons que le gouvernement reviendra rapidement sur cette décision, comme il l’avait fait pour d’autres aussi mal inspirées.
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