mardi, 14 avril 2015
De quoi sont faits nos chromosomes ?
C’est en faisant une recherche sur Internet avec l’expression « De quoi sommes-nous faits ? » que je suis tombé par hasard sur le remarquable site web suisse Chromosome Walk (1er lien ci-bas). La page « De quoi sommes-nous faits ? » de ce site permet, en déplaçant de gauche à droite un curseur au bas de la page, de passer de la cellule aux chromosomes, puis à l’ADN dont ils sont constitués, à la copie en l’ARN messager de cet ADN capable de sortir du noyau cellulaire pour rejoindre les ribosomes capables à leur tour de construire les protéines correspondantes, ouf !… Et c’est de ces protéines dont nous sommes surtout faits, que ce soit des protéines structurales (actine, myosine de nos muscles, etc.), enzymatique (protéine kinase, etc.) ou encore des récepteurs ou des canaux si importants pour les neurones.
Mais cette animation, si pédagogique soit-elle, n’est pas le cœur à proprement parler de ce site de l’Institut de Bioinformatiques Suisse (disponible en français, anglais et allemand). Une fois la langue sélectionnée, la véritable page d’accueil du site est une représentation du caryotype humain, c’est-à-dire les 23 paires de chromosomes contenues dans chacune de nos cellules tel qu’on peut les voir au microscope. Or chaque paire est cliquable et nous renvoie à une page consacrée au chromosome sur lequel on vient de cliquer. Une structure qui n’est pas sans rappeler celle d’un certain Cerveau à tous les niveaux avec sa vingtaine de thèmes cliquables sur la page d’accueil renvoyant aux thèmes en question. Mais l’analogie ne s’arrête pas là, comme on le verra dans un instant…
On se retrouve donc sur la page, par exemple, du chromosome 1 dont le grossissement nous montre les différentes bandes correspondant à différents gènes le long des deux brins identiques qui constituent la paire. Mais pourquoi les chromosomes viennent-ils des paires ? Simplement parce que pour chaque chromosome, une copie vient de notre mère et l’autre de notre père. Ces chromosomes sont donc un peu comme des livres de recettes où chaque recette est ce qu’on appelle un gène. On a ainsi un peu plus de 20 000 gènes pour fabriquer l’ensemble des protéines essentielles à la construction et au maintien de la vie d’un être humain, cerveau y compris, évidemment (ce qui est donc très peu, considérant l’extrême complexité du réseau que forme nos 85 milliards de neurones et autant de cellules gliales !).
Chaque page d’un chromosome sur Chromosome Walk fournit la longueur du brin d’ADN correspondant, le nombre estimé de gènes sur ce chromosome et au moins 4-5 petits suppléments d’information sur autant de gènes particuliers portés par ce chromosome. Avec en plus, et c’est là où l’on peut faire une autre analogie non exclusive au Cerveau à tous les niveaux, certes, mais quand même typique de notre site : la présence de « liens externes » dûment identifiés se rapportant spécifiquement à tel ou tel supplément d’information. Avec, en plus, un « lien pour expert » dans la marge de gauche menant vers le site du projet Ensembl, un site pour les scientifiques qui répertorie les données des génomes de vertébrés (humain, souris, poisson zèbre, etc.) et d’autres cellules eucaryotes afin de les rendre disponibles en ligne gratuitement à l’ensemble de la communauté.
Ce souci de s’adresser à la fois aux experts et aux débutants, on le retrouve aussi dans les quiz distribués dans le site pour tester nos connaissances, qui offrent toujours une version « facile » et une version « expert ». Encore une fois, le rapprochement avec les 3 niveaux d’explication du cerveau à tous les niveaux est évident et fait de Chromosome Walk un excellent site complémentaire au Cerveau à tous les niveaux, notamment pour des sujets comme Les briques élémentaires de la vie ou Le passage du non-vivant au vivant.
Le séquençage du génome humain complétée en 2003 a été un chantier titanesque qui a mobilisé près de 3000 personnes dans une vingtaine de centre de séquençage pendant 15 ans et a coûté 2,7 milliards de dollars. La connaissance de cet aboutissement de notre longue histoire évolutive sous forme d’un « texte » de 3 milliards de caractères (ne comportant que 4 « lettres » différentes, les 4 bases nucléiques qui se succèdent sur l’ADN) est une avancée remarquable pour l’humanité et c’est formidable que des sites comme Chromosome Walk nous la rendent accessible.
Mais l’on sait aujourd’hui que cette connaissance de la séquence de nos gènes ne règle pas d’un coup toutes les maladies et déficiences génétiques. C’était un passage obligé, et personne ne voudrait maintenant s’en passer, mais la vie est un système dynamique formant des réseaux biochimiques extrêmement complexes dont la séquence de nos ADN n’est qu’un élément. Le repliement des protéines, qui leur donne leur forme et donc leur fonction, demeure par exemple un casse-tête très difficile, surtout quand la protéine comporte des milliers d’acides aminés.
Pour conclure avec le cerveau, c’est un peu comme tous les efforts qui sont mis par les laboratoires qui tentent d’établir le « connectome » du cerveau humain (par analogie au génome), c’est-à-dire la carte de toutes les grandes voies nerveuses du cerveau humain. Plus cette carte se précise, plus elle est utile, mais elle est loin de tout dire, notamment sur les routes effectives qu’utilise l’influx nerveux en temps réel, résultat du caractère hautement dynamique de nos réseaux de neurones, comme de nos réseaux de réactions biochimiques à l’intérieur de chacune de nos cellules…
Chromosome Walk
The Ensembl project
De la pensée au langage | Comments Closed