lundi, 27 janvier 2014
Un circuit cérébral pour lier deux événements dans le temps
Lorsqu’un éclair déchire le ciel durant un orage, on a tendance à « rentrer la tête dans les épaules » dans les secondes qui suivent parce qu’on appréhende le gros coup de tonnerre qui s’en vient. Ce type d’association entre un stimulus et un danger potentiel est quelque chose que notre cerveau retient facilement car cela a toujours eu une importance évidente pour la survie de l’organisme.
L’étude coordonnée par Susumu Tonegawa qui vient d’être publiée dans la revue Science met en lumière les bases neuronales de ce mécanisme qui étaient relativement peu connues comparé à l’autre propriété essentielle à retenir à propos d’un danger potentiel : son lieu. Pour cela, notre hippocampe, structure cérébrale clé pour l’encodage des souvenirs, fait appel à ce qu’on a appelé les cellules de lieu (« place cells », en anglais). Celles-ci s’activent quand on se trouve dans un endroit précis ou lorsqu’on se souvient de cet endroit.
Mais pour les associations temporelles, on ne savait pas grand-chose, sinon que l’intervalle séparant les deux événements pouvait être aussi long que 20 secondes, ce qui avait été préalablement démontré pour une étude antérieure de Tonegawa. Cette dernière mettait de plus en évidence un circuit neuronal nécessaire à l’établissement de ce phénomène. Appelé le circuit monosynaptique, il relie la couche 3 du cortex entorhinal à la région CA1 de l’hippocampe. Ce cortex entorhinal est en quelque sorte la porte d’entrée de l’hippocampe qui reçoit de l’information des régions sensorielles du cortex.
Ce que révèle la nouvelle étude, c’est la présence d’un autre circuit, inconnu auparavant, qui peut inhiber le circuit monosynaptique, et donc empêcher la formation d’une association temporelle entre deux stimuli. Ce circuit a pour origine des neurones de la couche 2 du cortex entorhinal (en vert sur l’image ci-haut) qui excite des neurones inhibiteurs de la région CA1 de l’hippocampe (en bleu sur l’image ci-haut). Ces derniers vont alors pouvoir inhiber l’activité des neurones de CA1 contribuant au circuit monosynaptique qui favorise les associations temporelles.
La présence de ce « frein » capable de limiter la fenêtre temporelle durant laquelle une association peut se créer a sans doute lui aussi un rôle fonctionnel important. En effet, il ne serait pas très adaptatif de retenir comme des causes et des effets des phénomènes distants dans le temps qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Ce circuit inhibiteur contribue donc sans doute à établir une limite temporelle au-delà de laquelle il n’est plus utile de retenir un lien de causalité possible entre deux événements.
Les expériences ayant rendu possibles ces conclusions ont été faites en utilisant l’optogénétique, une technologie qui permet de modifier l’activité de populations entières de neurones ciblés génétiquement. Dans ce cas-ci, on a par exemple réussi à allonger le délai maximum de 20 secondes durant lequel deux stimuli peuvent être associés en augmentant l’activité des neurones de la couche 3 du cortex entorhinal ou en supprimant celle des neurones de la couche 2. Et à l’inverse, stimuler ces neurones de la couche 2 ou inhiber ceux du circuit monosynaptique de la couche 3 diminuait la durée où une association est possible. Cela a l’air simple et facile dit comme ça, mais c’est le genre de démonstration dont ne rêvaient même pas les électrophysiologistes il y a dix ans à peine, avant l’avènement de l’optogénétique.
In the brain, timing is everything
Island Cells Control Temporal Association Memory
Investigating Neural Representations: The Tale of Place
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